Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2014 (Seuil)
Genres : Thriller, aventures, fantastique
Personnages principaux : Paul Jensen, cadre dans une banque suisse – Stanislas, 9 ans, fils de Paul
La famille Jensen est une famille genevoise aisée : Paul est cadre supérieur dans une banque suisse, Iris déprime et s’ennuie à la maison, ils ont deux enfants : Lou, 14 ans et Stanislas, 9 ans. Alors qu’elle surfe sur Internet, une publicité intrusive retient l’attention d’Iris : «L’île de vos rêves vous aime déjà – Nomad Island Resort». Trois semaines avant la reprise de l’école, c’est la dernière occasion de s’offrir de vraies vacances. Et voilà les Jensen partis pour Nomad Island. Arrivés sur place, ils constatent que le paradis annoncé ne se présente pas au mieux. Au fil des jours, ils vont vivre des événements étranges et être mis en présence de gens bizarres. La belle famille modèle va se scinder : il y celles qui vont s’adapter et trouver leur bonheur dans l’environnement aseptisé imposé sur cette île et ceux qui ne pensent qu’à le fuir. Les femmes d’un côté, elles apprécient les conditions de vie d’Island Resort et les hommes de l’autre, ils détestent cette façon de vivre. Pas un peu misogyne Incardona ?
Le thème principal n’est pas vraiment original : des gens d’un milieu social favorisé se trouvent confrontés à un monde angoissant pour certains et séduisant pour d’autres. C’est en fonction de leur propre conception de la vie qu’ils vont le refuser ou l’adopter.
Ce roman est un thriller mâtiné de fantastique. Il y a de l’action et de la tension mais aussi des événements mystérieux qui restent inexpliqués. Cela contribue à créer un climat étrange et oppressant. La partie roman d’aventures est réussie, elle tient le lecteur en haleine, c’est un bon page turner. Alors que je me préparai à une fin hollywoodienne en rose bonbon, j’ai été surpris par l’épilogue style roman noir.
Mais l’auteur a une autre ambition : il fait une critique sociale sans concession de la classe aisée et de son conformisme. Parfois c’est un peu maladroit, me semble-t-il et pas toujours très bien intégré au scénario. C’est l’auteur qui exprime directement ses idées sans passer par l’intermédiaire d’un personnage. Ça semble un peu plaqué et hors contexte, comme cette réflexion sur l’intérêt de faire des enfants pour ne pas s’en occuper. Autre défaut, à mon avis : c’est un peu trop caricatural. La critique du cadre supérieur égoïste et arrogant est forte, certes, mais manque de nuances.
Aller simple à Nomad Island est un roman à multiples facettes, il mêle le roman d’aventures, le fantastique et la satire sociale. L’ensemble est parfaitement attrayant mais ne bouleverse pas le genre.
Extrait :
C’était la mort.
Et Paul la refusait. Pas encore, pas maintenant. Pas sans avoir d’abord lutté de toutes ses forces. Lui et sa famille étaient les otages d’une bande de fous qui avaient réussi à subjuguer le reste des résidents au nom d’un prétendu idéal. Ne fallait-il pas chercher une explication à cette situation absurde dans la suite logique des événements ? Dans la prédisposition qui l’avait amené à devenir ce qu’il était ? Époux, père, cadre supérieur, citoyen modèle ? En octobre, ses enfants participaient à La Marche de l’espoir ; en novembre, il ne se rasait plus la moustache pour la Movember Foundation Charity ; à Noël, il donnait sa contribution au Téléthon… Paul Jensen avait tout juste, s’indignait là où il le fallait, s’enthousiasmait quand il le fallait, ne remettait aucunement en question le système qui l’avait promu dans ce cercle très fermé où les salaires se mesuraient en kilos.
Au moins, n’avait-il pas à supporter ce foutu compact disc, The Best Movies Love Themes. Dès qu’Iris avait ouvert la douche, il s’était précipité pour éteindre l’appareil. Piste 12 : Love Story.
Thème de Love Story (1970) – Francis Lai