Les démoniaques – Mattias Köping

Par Raymond Pédoussaut

 Date de publication originale : 2016 (Éditions Ring) – 2018 (La Mécanique Générale) Genre : Roman noir
Personnages principaux : Kimy, jeune fille de 18 ans – Henri, professeur de français quinquagénaire – Jacky Mauchrétien dit l’Ours, père de Kimy, Proxénète et trafiquant

Kimy a 15 ans. On fête son anniversaire d’une terrible façon : elle est violée par son père, son oncle et quatre autres acolytes, aux cris de « Joyeux anniversaire, salope ! ». Trois ans plus tard elle se prostitue une dernière fois en se jurant de faire payer tous ces bâtards. En attendant elle deale pour le compte de son père, c’est sa solution pour obtenir un peu de liberté. Elle fait connaissance de Henri, un professeur de français dépressif. Entre les deux des affinités se créent. Leurs malheurs ont une source commune : le réseau de proxénétisme, de pédophilie et de trafic de drogues dirigé par Jacky Mauchrétien, le père de Kimy. Ensemble ils vont mûrir une vengeance risquée.

Âmes sensibles et amateurs de romances passez votre chemin ! Mattias Köping nous plonge d’entrée dans l’enfer du trafic d’êtres humains, de la pédophilie, de la drogue et de la corruption. Il le fait à travers le portrait d’un certain nombre de tarés de grande envergure dont la figure de proue est Jacky Mauchrétien dit l’Ours à cause de sa forte corpulence. C’est le père de Kimy. L’auteur nous décrit ce monde sans la moindre concession, il montre la réalité brute et brutale : des filles considérées comme des marchandises, la corruption, la perversité, l’implication des notables, le sentiment d’impunité et de toute puissance. Et l’horreur absolue pour les victimes. Les proxénètes et narcotrafiquants sont de vrais businessmen : ils parlent nouveaux marchés, extension des activités, créneaux à prendre, connexions internationales … On pourrait croire que tout ça se passe dans une capitale ou une grande ville. Pas du tout ! Le cadre c’est Viaduc-sur-Bauge, petite ville de l’Eure, entourée de forêts où l’on pratique la chasse. D’ailleurs l’Ours organise chaque année une fête de la chasse orgiaque à laquelle participe la fine fleur des notables régionaux.

Coté personnages, il y a une belle brochette de salopards et parmi eux le pire : l’Ours, père de Kimy. Il n’a pas un brin d’humanité. Ancien parachutiste, il est violent et craint. Outre le fric, il n’est capable d’aimer que sa grosse bagnole. Kimy, malgré les sévices et humiliations qu’elle a subis, a réussi à se forger une carapace. Elle a des ressources, elle est maline et possède une détermination sans faille pour se venger. Elle fera équipe avec Henri, un professeur de français presque quinquagénaire qui écrit régulièrement des lettres à sa fille disparue. Cet attelage improbable fera preuve d’une redoutable efficacité.

Les démoniaques est un roman dur et âpre dans lequel l’auteur ne se contente pas de montrer les horreurs inhérentes au milieu des trafics humains et de drogues, il a aussi élaboré une intrigue suffisamment complexe pour installer la tension et le suspense. Les personnages, qu’ils soient détestables ou sympathiques, ont une belle consistance et l’écriture, efficace, correspond bien au sujet traité.

Certains ont pu trouver qu’il y a dans ce livre une certaine complaisance à décrire des abjections et des atrocités. Je pense qu’au contraire Köping s’est appuyé sur des faits existants, notamment lorsqu’il décrit le trafic d’adolescentes, source de  chair fraîche pour quelques pervers pouvant se payer ce genre de marchandise. L’auteur n’a rien inventé, il s’est renseigné. L’actualité récente l’atteste. Ensuite seulement il a créé des personnages fictifs et a romancé toute l’histoire. Dans toute cette noirceur il y a quand même un peu de lumière avec la belle relation entre Timy et Henri. Ça c’est dû à l’imagination du romancier, pas sûr que dans la réalité de la traite des jeunes filles ce rayon de soleil existe.

Ce n’est pas un livre que l’on lit comme étant une gentille distraction permettant de passer le temps. C’est une œuvre d’une grande noirceur et d’une forte puissance qui nous prend aux tripes, nous happe et nous secoue.

En résumé : les démoniaques est un grand roman noir. Certains ont dit qu’il est réservé aux amateurs du genre, que les autres pourraient être choqués et trouver cette lecture éprouvante. C’est peut être vrai mais la bonne littérature n’est pas toujours facile et légère, elle peut être aussi dérangeante.

Extrait :
Normalement, Jacky Mauchrétien devait le contacter à la fin de l’après-midi pour connaître l’avancée des travaux dans la sélection des candidates. Moyennant un pourcentage raisonnable, Mauchrétien fournissait les lieux pour les passes et rabattait une grosse partie des clients, des habitués pour la plupart, des tontons gâteaux, des messieurs impeccables ou, au contraire, de gros verrats maculés de la boue des champs, alcooliques et violents au dernier degré. Jacky disposait d’un nombre conséquent de points de chute. Il y en avait pour tous les goûts, de la chambre classique dans un studio discret au coin isolé dans un bois, du sous-sol sinistre d’un entrepôt désaffecté à la livraison directe au domicile du client. Les fantasmes variaient, de l’écolière à couettes à la victime suspendue par des cordes. C’était à la carte.

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

 

 

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