Dernière sommation – David Dufresne

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2019 (Grasset)
Genres : sociétal, politique
Personnage principal : Étienne Dardel, journaliste indépendant

Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux, c’est ce que lit Étienne Dardel sur le gilet de la femme qui l’interpelle quand il s’approche de l’abri de fortune des Gilets jaunes. Poussé par un réflexe de journaliste, Dardel s’est arrêté pour se renseigner en revenant d’une séance de signatures pour la promotion de son livre sur Brel, près de Graulhet, dans le Tarn. Pour lui c’est le début d’un nouveau projet : suivre les manifestations des Gilets jaunes et être témoin de la violence avec laquelle la police réprime la contestation. Ça devient une mission, sa mission. Ainsi il va recenser tous les abus des forces de l’ordre et les mettre en ligne sur Twitter. Tous ses tweets commencent par la même formule « Allo @Place_Beauvau – c’est pour un signalement ». Outre les Gilets jaunes, Dardel va aussi rencontrer une jeune activiste qui a eu la main arrachée par une grenade de la police, une street medic bien étonnante, des cadres policiers magouilleurs, des animateurs de chaînes de télévision au service du pouvoir. C’est un condensé sur la révolte des Gilets jaunes en France.

Ainsi Dardel nous fait un compte-rendu détaillé de la guerre sociale qu’un gouvernement mène contre une partie de son propre peuple. Il montre que les dirigeants ont fait le choix délibéré de la répression violente. Les éborgnés (24 personnes), les blessés au visage (une centaine), ne sont pas le fruit d’un accident, d’un malheureux manque de précision des lanceurs de balles de défense LBD 40. Non ! Les têtes sont visées volontairement alors que c’est strictement interdit. Les tireurs sont couverts par la hiérarchie. Le déni de réalité sévit jusqu’au plus haut niveau : Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit ose affirmer sans sourciller le Président. Il a fallu marquer les corps et les esprits quand la colère de ceux qui ne sont rien (expression du Président) a envahi les beaux quartiers de Paris, faisant trembler les nantis. Dardel montre ce que les chaînes de télévision ne montrent jamais, elles qui préfèrent s’attarder longuement sur les graffitis de L’Arc de Triomphe ou sur la brasserie des riches, le Fouquet’s, en flammes. Le choix des images est un choix politique.

Le personnage principal Étienne Dardel, c’est l’auteur David Dufresne. L’un est l’incarnation, à peine romancée, de l’autre. Étienne Dardel est un journaliste indépendant qui travaille seul et n’a aucun compte à rendre à une direction. Il est totalement libre. C’est un solitaire, son seul appui c’est son épouse. Pour lui l’objectif est de faire connaître les abus, les actions illégales de la police. Ses signalements, c’est sa façon d’aider les gens. Son travail est méthodique, il rassemble des preuves irréfutables, ses signalements sont documentés : vidéos, photos, certificats médicaux, radiographies, plaintes. Difficile de contester le sérieux de son travail. Bien sûr cela lui vaut quelques ennuis du côté des autorités qui aimeraient bien dénicher quelque chose pour le discréditer.

On pourrait s’étonner que l’auteur ait choisi la fiction plutôt que le reportage pour raconter ces événements. David Dufresne l’explique ainsi : « La fiction, permet d’enlever ces filtres et d’aller au plus près du vocabulaire et du comportement. Elle autorise aussi la restitution de lieux inaccessibles, comme la salle de commandement de la Préfecture. C’est une façon de mieux comprendre la réalité ».

Dernière sommation est un livre courageux et glaçant. Il est édifiant sur la façon dont la colère sociale a explosé en France et la manière dont le gouvernement a décidé d’y répondre. C’est une œuvre d’utilité publique pour une prise de conscience concernant les forces qui régissent la société française.

Pour en savoir plus sur ce livre : David Dufresne sur Radio Parleur

Extrait :
Monsieur Macron, combien de blessés ? Combien de mutilés parmi nos compatriotes va-t-il encore vous falloir, avant que vous preniez la mesure du scandale d’État ? Votre État, votre scandale ! Combien ? Combien de Vicky, combien de mains arrachées, combien de pieds en lambeaux, combien d’yeux perdus, exorbités, explosés, combien de trous noirs vous faut-il pour ouvrir les vôtres ? Vous faire descendre de votre trône. Combien de condamnations injustes ? Combien d’arrestations arbitraires ? Combien d’arrestations dites préventives ? Et maintenant, même les lunettes de piscine font de votre peuple des suspects ? Des séditieux, des factieux comme vous dites ? monsieur Macron : et c’est nous, les fascistes ?

Niveau de satisfaction :
4.2 out of 5 stars (4,2 / 5)

 

 

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2 réponses à Dernière sommation – David Dufresne

  1. Carole dit :

    Noté ! Extrait très bien choisi !!

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