Tout écartillées – Marie-Ève Bourassa

Par Michel Dufour

Date de publication originale :
2021 (VLB)
Genres :
Enquête, noir
Personnage principal :
Georges Kirouac, ex-flic, détective

Après trois romans policiers dont l’action se déroulait dans le Red Light des années 20, Marie-Ève Bourassa écrit aujourd’hui un polar qui utilise comme toile de fond le Québec des années 1967-1976, de l’Expo Universelle aux Jeux Olympiques. Le Red Light n’est plus ce qu’il était, mais on trouve des bars pour tous les goûts un peu partout à Montréal.

L’ex-flic devenu détective Georges Kirouac habite un petit appartement au-dessus de l’Escale, qui est devenu son quartier général. C’est là que la jolie Roxy lui demande de retrouver un film porno dont elle aurait été la vedette sans trop le vouloir. Or, ce film semble être convoité par bien des gens différents, ce qui ne rend pas facile la tâche de Georges. Au même moment, son frère ennemi, Raoul Gariépy, toujours policier, avec qui il descend quelques bières et se chamaille quotidiennement, lui apprend que Simon Saint-Amour, ancien felquiste [1] qui leur avait causé bien des problèmes, serait de retour au Québec.

Georges poursuit Roger Caouette qui aurait tourné le film; puis les motards, les Enfants du Chaos, qui auraient investi dans le film et détiendraient une copie. En même temps, il est engagé par une femme, madame Larson, qui pense que son mari la trompe. De son côté, Raoul soupçonne qu’entre Saint-Amour et sa femme Linda, séparée de lui et qui vit maintenant dans une commune, il y aurait une sorte d’aventure.

Il semble qu’une taupe serait active parmi les policiers. Des armes et des explosifs auraient été volés et, lors d’une descente, un jeune policier est tué. Georges n’a toujours pas trouvé le film. Mais il aperçoit Larson avec le chef des Enfants du Chaos. Pendant ce temps, Raoul découvre que son informateur Riendeau, amant de Saint-Amour, a été tué. Ce dernier apprend à Georges que le film Tout Écartillées n’est plus en possession des Enfants du Chaos; il aurait été vendu. Georges se méfie du beau Saint-Amour, mais il est sexuellement attiré par lui et accepte d’organiser une rencontre entre Raoul et lui. Ça tourne à la catastrophe : un autre policier se fait descendre, Saint-Amour s’envole, et la vraie taupe piège Raoul pour le tuer.

Ultimes rebondissements où chaque personnage est étonnamment lié à chacun. Roxy est disparue et revient sous une autre identité; madame Larson n’est pas celle qu’on pensait. La vraie taupe du service de police est sur le point de se faire tuer. Entre Georges, Raoul, St-Amour et son complice Yves Simard, la table est mise pour un règlement de comptes impitoyable, d’autant plus qu’il y va de la vie de la fille de Georges, Mary-Noël.

On est loin de la sobriété des premiers romans de Bourassa. C’est long, les personnages se multiplient et leur description frise souvent la caricature; le décor (l’atmosphère entre l’Expo Universelle et les Jeux Olympiques) se réduit pratiquement à des tripots minables où règnent l’alcool, la drogue et les prostituées; les scènes frisent souvent le vaudeville ou le grand guignol. Le détective et le policier ne sont pas seulement des antihéros; ce sont des gars dans la quarantaine, simplistes, vulgaires et pratiquement alcooliques. Difficile de croire au sérieux de l’intrigue. On dirait plutôt une bande dessinée. Le défi que Bourassa me semble avoir voulu relever, c’est de créer une histoire remplie de personnages qui n’ont pas l’air d’avoir de rapports entre eux, puis de les relier plus ou moins artificiellement.

Certains apprécieront sans doute cette audacieuse tentative; pour ma part, j’ai été déçu.

[1] Felquiste, i.e. FLQ ou Front de Libération du Québec, mouvement révolutionnaire luttant pour l’indépendance du Québec avec violence (bombes, enlèvements…), de 1963 à 1972.

Extrait :
Lorsque Georges rouvrit enfin les yeux, la naïade lui sourit. Mais voilà qu’elle arborait le visage de Simon Saint-Amour.
Ses lèvres touchèrent la pointe de son gland. Une décharge électrique traversa le corps de Georges, qui se crispa.
Aaaah ! Fuck ! s’écria-t-il, terrorisé, en repoussant ce fantôme de son passé. Non !
Hey ! protesta la naïade redevenue femme en tombant sur le tapis. C’est quoi, ton crisse de problème ?!
Caouette éclata de rire. La blonde se mit à l’insulter, tant et si bien que les nerfs du cinéaste lâchèrent : il abandonna sa caméra pour ressortir son arme à feu. Une demoiselle cria. Georges, paniqué, remonta son pantalon. Une fois boutonné, il chercha un endroit où se terrer.

Niveau de satisfaction :
3 out of 5 stars (3 / 5)

 

 

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