Meurtres avec vue – Thomas King

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2002 (DreadfulWater Shows Up)
Date de publication française : 2021 (Alire)
Traduction :
Lori Saint-Martin et Paul Gagné
Genre :
Enquête
Personnage principal :
Thumps DreadfulWater[1]

Thomas King, né en 1943 en Californie, est de descendance allemande, grecque et cherokee et, comme on a souvent tendance à confondre l’auteur et son personnage principal, on le prend d’abord pour un autochtone. D’autant plus que ses œuvres écrites portent en grande partie sur les Premières Nations, plus précisément sur les relations entre la société nord américaine et les peuples autochtones. King lui-même ressemble plus à un Américain, ou mieux à un Canadien. Après avoir travaillé comme photojournaliste en Australie, il s’installe au Canada en 1980 où il alterne essayiste, romancier et animateur télé, puis s’engage comme professeur d’anglais à l’Université Guelph en Ontario. Son premier roman policier est écrit en 2002 : premier d’une série de cinq mettant en vedette l’ex-flic devenu photographe, Thumps DreadfulWater (sic), qui ne renie pas ses origines indiennes et qui demeure à Chinook dans les montagnes du Montana, à deux pas de la réserve.

Quelque temps avant l’inauguration du casino et du Buffalo Mountain Resort, un luxueux complexe hôtelier pratiquement encastré dans les montagnes, un cadavre est découvert dans une des riches unités de ce complexe : il s’agit de Daniel Takashi, responsable de l’installation du système de gestion informatique du casino, spécialiste de la Genesis Data System. Comme le laisse entendre le shérif Hockney, quasi sosie de John Wayne, l’affaire doit être réglée rondement. Thumps ne veut pas se mêler du travail du shérif, qui lui rappelle, d’ailleurs, qu’il n’est plus flic mais photographe; mais Hockney est persuadé que le coupable est Stick Merchant, qui a déjà voulu s’opposer avec quelques membres de la réserve (les Aigles rouges) au projet du complexe et du casino même si, financièrement, le conseil de bande et la cheffe Claire se réjouissaient de l’aide matérielle dont ils profiteraient. Or, Claire est la mère de Stick et l’ancienne amante de Thumps. Et elle lui demande de venir en aide à son fils, qui est disparu depuis le meurtre.

Thumps commence donc par chercher Stick. Cet ancien flic est sympathique, peu enclin à la violence, d’une intelligence moyenne, mais minutieux et obstiné. Il compétitionne avec sa chatte, Freeway, pour savoir qui va dormir le plus longtemps; mais, quand il est éveillé, son sens de l’observation lui permet de poser les bonnes questions. On ne le prend pas tellement pour un amérindien et le fait que Claire lui dise d’aller chier, qu’il marmonne quelques bouts de phrase en français (souvenirs d’une partie de son éducation), et qu’il dévore un sandwich au jambon et au brie, une salade césar et un morceau de tarte aux cerises, le rapprocherait plutôt d’un Québécois, en tout cas d’un Canadien. En fait, Thumps se considère d’abord comme un homme et aimerait bien que tout le monde soit d’abord considéré ainsi. C’est donc un homme comme tout le monde qui part à la recherche de Stick, qui devra régler aussi deux  autres meurtres, collaborer et se méfier de la police officielle, et jouer au golf avec des rupins qui pourraient bien être des assassins.

L’enquête est bien menée, et la lecture d’autant plus facile que King l’agrémente d’un sens de l’humour continuel. On ne sombre pas dans la mystique du western : les personnages sont nuancés et les situations plausibles. Le lecteur se pose les mêmes questions que Thumps, qui résume souvent ses démarches; on peut facilement suivre son raisonnement et déduire la solution.

[1] Littéralement : Eau Redoutable.
Les Amérindiens portent souvent des noms imagés. Ce nom-ci est d’origine cherokee.

Extrait :
La décision la plus difficile que Thumps devait prendre chaque matin, c’était à quel moment se lever. Neuf heures, c’était trop tôt. Dix heures, ça allait. Onze heures, c’était mieux (…)
Ce jour-là était une exception. La course effrénée des derniers jours avait chamboulé son rythme intérieur. Lorsque le soleil amorça l’ascension du versant est des montagnes, Thumps s’était réveillé. Se lever à l’aube trois jours de suite, c’était carrément obscène. Sous le jet de la douche, il songea qu’un travailleur autonome devrait avoir au minimum le luxe de déterminer son emploi du temps. Thumps n’était pas à proprement parler un travailleur autonome. Bien sûr, l’État de la Californie lui versait une petite pension. Mais s’il calculait le nombre de photos qu’il avait vendues au cours des quatre derniers mois, « chômeur autonome » serait une description plus juste.

Les Rocheuses du Montana

Niveau de satisfaction :
4.1 out of 5 stars (4,1 / 5)

 

 

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