Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2022 – Gallimard
Genres : Dystopie, écologie, politique
Personnage principal : Pierre Savidan, président de la République écologiste
La France a un président écologiste. Pas un écologiste bon teint et accommodant qui ne dérange personne, mais au contraire un écologiste pur et dur qui chamboule l’ordre établi. Pierre Savidan sitôt élu a pris des mesures radicales : la sortie du nucléaire en dix ans, l’impôt punitif sur les profits des banques qui investissent dans les entreprises les plus polluantes, la fin des aides publiques pour ceux qui ont une activité dans les énergies fossiles, limitation de la production et de la consommation de viande, covoiturage obligatoire, incitation à ne pas faire d’enfants. Mais son grand projet est le SEI (Scoring Écologique Individuel). C’est un système de bonus-malus particulièrement incitatif. Chacun dispose d’une note qui prend en compte l’ensemble de ses actions au quotidien. Un mauvais SEI induit des impôts élevés et même confiscatoires et au contraire d’un bon SEI résulte de faibles impôts, voire pas d’impôts du tout. Le programme PAIRE (Programme d’Accueil Individualisé et de Réaffiliation Écologique) est couplé au SEI. Il a pour but de rééduquer les citoyens qui ont un mauvais SEI. Bien sûr il a des réfractaires, les patrons et politiques de l’ancien monde se coalisent contre le gouvernement. La rébellion s’organise et la colère de la population ne cesse de monter.
Dans une intrigue bien construite, l’auteur met en lumière les enjeux d’une transition écologique rapide et brutale. La France se trouve divisée entre ceux qui jugent que le Président ne va pas assez vite dans le changement et ceux qui trouvent que les mesures prises sont nocives et nous mènent à la catastrophe économique. Les positions des deux camps sont exposées à travers de nombreux personnages secondaires. Leurs arguments respectifs sont exposés sans prendre parti. Ce qui est mis en relief est la difficulté de concilier une transition sociétale nécessaire avec la protection des droits et des libertés.
Le président Savidan a été élu par défaut, pour éviter l’arrivée au pouvoir de sa rivale d’extrême droite. Ce n’est pas un homme politique, c’est un fermier écolo venu des abers, au nord de Brest. Son objectif est de sauver la planète et de faire de la France un exemple pour le monde entier. Pour lui les institutions telles que le parlement, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État ne sont que des freins pour la transition écologique. Il juge que la question de la liberté est anecdotique parce que celle de la survie de l’humanité la supplante. Bref, Savidan est un fanatique. Mais il y a plus illuminé que lui : Fanny Roussel, l’âme damnée du Président. C’est une femme handicapée par une malformation d’un de ses bras, elle est dure, brutale et insensible. Elle fait équipe avec Savidan depuis vingt ans, c’est son éminence grise et son aiguillon qui le pousse toujours vers plus de radicalité.
Bonnec déploie également une galerie de personnages secondaires qui représentent toutes les tendances politiques du moment : un patron d’un grand groupe alimentaire incarne le capitalisme triomphant du monde d’avant. Des hommes et femmes, politiques professionnels, choisissent soit de coopérer avec le nouveau pouvoir, soit le camp des opposants suivant leurs intérêts. Un haut fonctionnaire, très influant dans les gouvernements précédents, doit subir une rééducation sévère dans un des centres PAIRE. Il y a aussi une jeune fille de 25 ans qui a tapé dans l’œil du Président Savidan, c’est sa faiblesse.
Collapsus est un roman dense qui met habilement en lumière la difficulté à mener une transition écologique devenue urgente tout en respectant les droits et les libertés. Il montre que la dictature verte comme solution pour le sauvetage de la planète n’est pas prête à être acceptée par les populations. Roman d’une actualité brûlante, il pose tout un tas de questions pertinentes.
Extrait :
— C’est votre question qui n’est pas sérieuse, madame Descouart. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce qui est en jeu : la survie de l’espèce. Alors oui, c’est un enjeu qui dépasse votre petite vision court-termiste, parce que je raisonne à cinquante ou cent ans, à une période où nous ne serons plus de ce monde, ni vous ni moi. Mais c’est le seul qui vaille, parce que sinon l’humanité va disparaître. Ce que je fais, c’est la première marche. D’autres pays nous emboîteront le pas. Et d’ici quelques années, toute la planète aura compris. La question de la liberté deviendra anecdotique, parce que celle de la survie l’aura supplantée. Tout le monde aura oublié les grands principes dans lesquels vous vous drapez. La liberté va tuer l’humanité, parce que l’humanité ne sait pas quoi faire de cette liberté.
Niveau de satisfaction :
(4,1 / 5)