Maple – David Goudreault

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2022 (Stanké)
Genre :
Polar Trashicomique[1]
Personnage principal : Maple, péripatéticienne bien mûre

Récemment sortie de prison, Maple doit maintenant résider dans une maison de transition. Or, dans son quartier d’Hochelaga-Maisonneuve, sévit un tueur en série qui s’attaque aux prostituées, les forçant à manger leurs doigts et à mourir étouffées. Maple craint que les policiers ne prennent pas trop au sérieux le meurtre de prostituées et décide d’enquêter elle-même.

Défavorisée par la discipline qu’impose une maison de transition et par le policier Beaudoin qui mène l’enquête, Maple peut compter sur la communauté des travailleurs et travailleuses du sexe de son quartier. Pour la plupart, son âge (57 ans) et sa réputation (six ans de prison pour avoir agressé un policier) lui valent d’être perçue comme une sorte d’héroïne ou, au moins, de personnage respectable. Quand elle passera à l’attaque, ça sera plus facile pour elle de mobiliser des troupes motivées et débrouillardes. L’enquête est malgré tout assez complexe. Dans le milieu, bien des bizarres de mecs peuvent être suspects : le Chinois qui tient un dépanneur et mange des « doigts de dame » dissimulés sous son comptoir ? Pierre-André, un travesti à l’ancienne, opportuniste et douteux ? Ti-Ness, un ancien militaire expulsé de l’armée, joueur compulsif qui ne manque pas d’argent? Ou, pire, le beau Claude Lamoureux, son amant actuel ? Ou quelques autres ?

Des messages anonymes dans une enveloppe où on a inséré des ongles apparemment arrachés lui ordonnent de cesser son enquête. Maple prend ça pour des encouragements : « Donc, je suis sur une bonne piste! » Mais, peu après, Claude et elle se font arrêter, lui comme assassin et elle comme complice. Et quand elle finit par se libérer du poste de police, le « Ficeleur d’Hochelaga » parvient à lui mettre la main dessus. Ce n’est pas sans dommage qu’elle se sortira de là. Elle connaît maintenant le tueur. L’affrontement sera sans merci.

Même si ce résumé de l’enquête est conforme, ce n’est pas l’essentiel. L’originalité du roman tient au langage de l’auteur. Les habitants de l’Est de la ville, particulièrement les prostitué(e)s mâles et femelles et les gens du milieu, parlent de cette façon, même si on peut dire que Goudreault beurre épais. Dans le meilleur des cas, on dirait un Michel Tremblay contaminé par Jacques Prévert. Du genre : « Je suis une jouisseuse, moi. Si j’étais cul-de-jatte, j’arriverais encore à prendre mon pied ». Ou encore : « Les hommes de peu de mots ont tendance à tenir parole ». Le lecteur est agréablement surpris par les rebondissements de l’intrigue tout autant que par les jeux de langage. Puristes et grenouilles de bénitier auraient intérêt à s’abstenir.

[1]  L’expression est de l’auteur. Trash : d’un goût douteux

Extrait :
On a trouvé le corps dans une bouche d’égout, devant le stade olympique. Enroulé dans une bâche en plastique, sous un complexe enchevêtrement de cordes et de nœuds, évidemment. La commentatrice annonçait déjà, « sous toutes réserves », que ce quatrième cadavre était lié à la série de meurtres désormais attribués au « Ficeleur d’Hochelaga ». Ce surnom était apparu dans La Presse quelques jours plus tôt, adopté aussitôt par la communauté journalistique. Le pseudonyme sonnait moins bien que l’Étrangleur de Boston ou le Dépeceur de Montauban, mais il gardait le mérite de nous situer dans la méthode et la région. La brunette y allait ensuite des classiques « terreur dans le voisinage », « sentiment d’insécurité dans la population » et le sempiternel « les forces de l’ordre veulent éviter une psychose générale, et assurent une présence accrue dans les rues de blablabla… ».

Hochelaga-Maisonneuve

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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2 réponses à Maple – David Goudreault

  1. Ingannmic dit :

    Je n’ai lu que « La bête à sa mère » de cet auteur, mais quel souvenir !! J’ai acheté depuis la suite de la trilogie, sortie en poche, et il me tarde de me replonger dans son univers en effet « trash » mais aussi particulièrement vivant et drôle (bien qu’extrêmement sordide en même temps, quel mélange !!)..

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