Le mistral meurtrier – Cay Rademacher

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2014 (Mörderischer mistral)
Date de publication française : 2022 (Lattès, Masque)
Traduction (allemand) :
Georges Sturm
Genre :
Enquête
Personnage principal :
Roger Blanc, capitaine de gendarmerie

J’avais déjà lu le premier tome de la Trilogie hambourgeoise (L’Assassin des ruines), qui se passe en 1947 dans la ville dévastée de Hambourg. Rien à voir avec ce Mistral meurtrier qui, comme son nom l’indique, se passe en Provence. C’est ici, en effet, que Rademacher et sa famille se sont installés depuis quelques années. Ce roman appartient à la série des Roger Blanc : de 2014 à 2018, Rademacher en a publié un par année; celui-ci est le premier traduit en français. L’action se passe dans le coin de Sainte-Françoise-la-Vallée, 800 kilomètres au sud de Paris, mais à quelques kilomètres de Marseille. Blanc, jeune quarantaine, séparé depuis peu, incorruptible, y a été muté parce que, en enquêtant sur des opérations financières pas très catholiques, il avait contrarié la haute gomme économique et politique de la capitale.

Blanc avait hérité il y a une dizaine d’années d’une vieille maison délabrée (un ancien moulin à huile) de la part de son oncle, pas loin de la gendarmerie de Gadet. Il y aménage et compte bien restaurer cette maison en pierre de deux étages. Atmosphère apparemment sereine : soleil en abondance, jolis boisés, un vignoble perdu dans la forêt, la rivière Touloubre qui traverse la vallée, cafés sous les platanes : la punition aurait pu être pire.

Il faut toutefois compter aussi avec le mistral, vent frais mais dont les rafales (100 km/heure) peuvent être gênantes. Et il faut aussi tenir compte du cadavre de Charles Moréas, un malfrat particulièrement antipathique mais assez rusé, spécialisé dans les abordages de voitures sur la voie publique; il a toujours échappé à Marius Tonon, le nouvel adjoint du capitaine Blanc. Sauf que là, dans une décharge publique bien remplie,  transpercé d’une dizaine de balles de kalachnikov et brûlé au troisième degré, il n’inquiétera plus Tonon ni ses voisins qu’il avait l’habitude de menacer avec une carabine. « Sans lui, la Provence sera encore plus belle », dixit Tonon.

Est-ce un règlement de comptes entre truands dans une affaire de drogues ou de trafic d’armes ? Est-ce l’architecte Lucien Le Bruchec qui a vu Moréas rôder sur son terrain à quelques reprises et qui le soupçonne de lui avoir volé quelques raquettes de tennis et des cannes à pêche dispendieuses ? Ou plutôt le peintre d’origine allemande Lukas Rheinbach qui avait de bonnes raisons pour en vouloir à Moréas ? Ou encore l’armateur Pascal Fuligni, qui vient justement d’avoir une altercation avec Moréas ? Sauf qu’il se fait assassiner lui aussi.

De la même façon que Rademacher avait décrit la ville de Hambourg dévastée par les bombes, il se plaît à peindre une Provence magnifique et accueillante, avec ses cafés sous les platanes, ses forêts riches traversées par une rivière discrète, ses fleurs attrayantes, ses paysages magnifiques bordés de montagnes qui avaient attiré tant de peintres fin XIXe. Pour l’auteur, c’est plus qu’un décor. La trame policière est presque un prétexte pour nous présenter cette région superbe où Blanc finit quasiment par se sentir à l’aise. Mais l’histoire policière n’est pas négligée, construite un peu comme un Agatha Christie : on se penche lentement sur chaque suspect pour les éliminer l’un après l’autre. Puis, quand toutes les possibilités se sont avérées insatisfaisantes, celle qui reste, même si elle peut paraître inadéquate et surprenante, est la bonne, aurait dit Sherlock.

L’action est un peu lente, mais n’oublions pas que nous sommes dans le sud de la France. Blanc est toujours surpris de voir Tonon arriver si tard au travail et il se fait souvent dire de relaxer, qu’on n’est pas en Scandinavie : « Pour nous, tout ce qui est au nord de Lyon, c’est la Scandinavie ». Lente, mais rigoureuse. Et même les personnages secondaires sont attachants. Bien des lecteurs auront le goût de prendre leur retraite en Provence et on comprend que l’auteur ait décidé d’y passer sa vie.

Extrait :
Ils goutèrent les melons de Carpentras avec leur jambon cru, accompagnés d’un muscat vendanges tardives qui égayait leurs verres. Puis Bruno sortit du four un plat en céramique avec une viande de couleur sombre.
Du sanglier. Je l’ai tiré moi-même. Nous avons une harde qui laboure toutes les nuits la moitié de la forêt.
Une daube au vin rouge ? questionna Blanc, qui se rappelait vaguement une recette.
Le vin rouge, ça se boit, c’est pas une sauce ! s’écria son hôte. Un peu d’huile d’olive, un peu de thym, un four bien chaud – et voilà !
Sylvie servit du couscous et de la ratatouille froide. On en était au rosé. Le soleil avait depuis longtemps disparu derrière les cimes quand ils brisèrent une baguette de pain de la grosseur d’un bras, et firent passer une planche avec dix sortes de fromages différents. Accompagnés d’un côtes-de-Provence (…)
Quand ils quittèrent la table vers minuit, rassasiés et lourds de vins, Blanc se sentit heureux comme il ne l’avait pas été depuis longtemps.

La Touloubre

Niveau de satisfaction :
4.3 out of 5 stars (4,3 / 5)

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2 réponses à Le mistral meurtrier – Cay Rademacher

  1. michel dufour dit :

    Je lirai bientôt La Trilogie hambourgeoise, les tomes 2 et 3. J’ai rendu compte du premier: L’assassin des ruines. C’est un auteur envoûtant.
    Bonne lecture.
    Michel

  2. Hedwige dit :

    Il faudrait vraiment que je lise un jour cet auteur.

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