Ah, les braves gens ! – Franz Bartelt

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2019 (Seuil Cadre noir)
Genres : Enquête, humoristique
Personnage principal : Julius Dump, piètre écrivain

À la mort de son oncle, Julius Dump hérite de sa maison, de son compte en banque, d’une Cadillac jaune citron et d’un tas de cartons contenant les archives de son père qu’il n’a pas connu. Ce père a fait une belle carrière de tueur, lui apprit son oncle. Parmi les documents divers, il trouve une carte et une liste de noms de villes, tous barrés à l’exception d’un seul : Puffigny. À côté de ce nom, une mention manuscrite indiquait : Nadereau, un nom de personne probablement. Espérant trouver dans cette énigme la matière d’une histoire qui pourrait lancer sa carrière d’écrivain, jusqu’ici ponctuée d’échecs retentissants, Julius Dump se rend à Puffigny, sur les traces de son père. Ses espoirs ne seront pas déçus.

Puffigny, un gros bourg tellement perdu au fin fond de la France déshéritée que les cartographes n’ont jamais vraiment pu le situer avec exactitude, est le cadre pittoresque du roman. À Puffigny, les gens sont renommés pour être tous des menteurs, incapables de dire la vérité, même sous la torture. Ils ont le mensonge dans le sang. Autre particularité : on ne retrouve jamais rien à Puffigny, surtout pas les cadavres qui disparaissent dans des trous, une commodité bien pratique dont bénéficie le village. Le cauchemar de la police ! D’ailleurs les habitants ne font jamais appel à la police, ils règlent leur affaires entre-eux.

L’intrigue se compose de deux parties. Il y a d’une part la recherche d’un tableau d’une inestimable valeur puisqu’il représenterait le portrait de Dieu peint avec le sang du Christ. Rien que ça ! Un groupe de cardinaux est sur le coup, utilisant des méthodes pas très catholiques. Et puis il y a la disparition d’une jeune fille qu’on ne retrouve pas bien sûr. On ne retrouve jamais rien à Puffigny.

L’auteur met en place une palette de personnages truculents : – Le maire, un tribun au discours facile, ne rate jamais une occasion de pérorer – Le patron du bistrot de la gare, le centre névralgique du village, pousse toujours à la consommation des clients qui n’ont pourtant pas besoin d’encouragements pour picoler, d’ailleurs ne pas boire est considéré comme une impolitesse à Puffigny – La femme du patron est une travailleuse sociale qui dispense ses bonnes œuvres en couchant avec un peu tout le monde, elle accompagne ainsi de la meilleure manière les mourants jusqu’à leur dernier souffle – L’ancêtre, ironique et sarcastique, était la mémoire vivante du village, il a bénéficié de l’accompagnement spécial de la femme du patron pour quitter ce monde – Le détective au grand standing et à haute opinion de lui-même, se sent capable de mener une enquête d’envergure alors que jusqu’à maintenant il n’a eu à traiter que des bricoles – Il y a aussi l’homme qui n’aime que sa motocyclette, deux vieux rockers déjantés, des gendarmes qui essaient de retrouver une disparue alors qu’on ne retrouve jamais rien à Puffigny, un curé qui manifeste son admiration aux paroissiennes qui le font fantasmer d’une drôle de façon, quelques jeunes filles qui n’ont pas froid aux yeux, ni ailleurs …

On a bien compris que l’auteur ne cherche ni la vraisemblance ni la rigueur. Le but est de surprendre et de faire rire. Bartelt a toujours le sens de l’absurde et de la dérision mais il faut bien avouer que ce qui fonctionnait parfaitement dans le précédent roman de l’auteur, Hôtel de Grand Cerf, a beaucoup de mal à marcher dans le présent ouvrage. J’ai eu l’impression que l’auteur en faisait trop, qu’il forçait un peu son talent. On s’enlise dans le folklore local et dans des dialogues un peu épais qu’on n’a pas l’habitude de trouver chez Bartelt. On tombe dans la grosse farce lourdingue et outrancière. L’ironie, la subtilité et même la cruauté, qu’on pouvait trouver dans Hôtel de Grand Cerf, ont disparu. Reste tout de même un livre divertissant qui fera parfaitement l’affaire pour se détendre et se changer les idées, mais disons-le tout net : à mon avis, ce n’est pas le meilleur roman de Franz Bartelt.

Extrait :
– Il n’est pas trop tard pour vous racheter. Promettez-moi qu’il y aura du nazi dans votre prochain livre ! Peu importe ce que vous raconterez ! Le nazi va avec tout ! On l’accommode à toutes les sauces ! On lui fait tenir tous les rôles de méchants ! Il est à l’aise dans les histoires de guerre, mais il ne l’est pas moins dans les contes de fées, dans les romans d’aventure, dans les drames familiaux. Aussi dans les équipées amoureuses qui s’achèvent par un beau carnage. Un polar digne de ce nom ne saurait faire l’économie d’une société plus ou moins secrète, mais intégralement gérée en sous-main par des nazis. Soyez à la hauteur de votre art, monsieur Dump, mettez du nazi partout. Et mettez-en encore plus dans les passages où votre récit subit des baisses de tension. Le nazi, c’est la vitamine de l’imagination. Et l’assurance que le lecteur ira jusqu’au bout de l’ouvrage.

À Puffigny, personne ne s’étonnait de me voir circuler au volant d’une Cadillac volumineuse et grotesque.

Niveau de satisfaction :
3.8 out of 5 stars (3,8 / 5)

 

 

 

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