Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2023 – L’Atalante
Genres : Thriller, roman noir
Personnage principal : Evangelos Moutzouris, ancien des services de renseignements grecs
Evangelos, retraité des services de renseignements grecs, a été invité à passer les vacances de Noël chez sa fille et son gendre à Zurich. Comme la famille a décidé de revenir vivre en Grèce, sa fille lui demande de rapatrier sa voiture, une Tesla, au pays. Evangelos, qui aime bien conduire, se dit qu’il va profiter un peu de cette voiture haut de gamme en traversant l’Italie pour rejoindre ensuite l’Albanie par bateau. En Albanie, une tempête de neige se déclenche dans les monts Gramos où il se retrouve pris dans un échange de coups de feu entre la police et des terroristes. Blessé, il finit à l’hôpital. Entre-temps il a appris que sa petite-fille a disparu. Malgré sa blessure, Evangelos va mener une enquête à distance. C’est ainsi qu’il va mettre à jour les influences néfastes qui mettent sa petite-fille en danger.
L’intrigue est pour le moins touffue, pour ne pas dire inextricable. Au départ, c’est l’histoire d’un retraité qui doit ramener la voiture de sa fille de Suisse en Grèce. Pendant le trajet il apprend que sa petite-fille adorée a disparu. Jusque là tout est clair, mais ensuite une multitude d’évènements secondaires vient embrouiller le fil du récit. Nous trouvons successivement : une étrange jeune femme en hijab en Albanie, des djihadistes dans les monts Gramos, une influenceuse célèbre sur internet à Budapest, un homme en Smart (la voiture) joue un rôle important à Zurich, nous faisons connaissance d’une drôle de religieuse dans un centre islamique, nous découvrons ensuite un terrible foyer pour enfants, un chalet sinistre, un dangereux psychopathe, puis un cimetière forestier dans un petit village … J’en oublie peut-être. À tout cela s’ajoutent des apartés sur l’histoire de la Grèce. Bref, la recette a trop d’ingrédients pour qu’elle soit digeste.
Malgré ces réserves, le livre est intéressant. Il y a beaucoup de rythme et il est riche en péripéties (un peu trop). Il met aussi en évidence les pièges dans lesquels des jeunes en recherche d’authenticité ou de reconnaissance peuvent tomber. La jeune Zoì, petite-fille d’Evangelos, n’en évite aucun : elle passe du strass et paillettes d’une influenceuse à succès sur internet à la rigueur mortifère de l’islam radical. L’auteur fait le rapprochement avec la pédomazoma, la récolte des enfants, qui donne le titre au livre. C’était l’impôt du sang, le mode de recrutement dans l’Empire ottoman qui consistait à réquisitionner des garçons âgés de 8 à 18 ans parmi les populations chrétiennes, ils étaient ensuite convertis à l’islam et formés pour exercer des fonctions civiles ou militaires au sein de l’Empire.
On est un peu perturbé à la lecture par le tas d’évènements disparates qui s’accumulent et qui ne sont reliés entre eux que par des coïncidences heureuses. Malgré cela le livre reste prenant par son rythme effréné, par son héros humaniste, par l’explication de l’ancienne pédomazoma qui perdure aujourd’hui sous la forme moderne de l’embrigadement via internet, ainsi que par les belles descriptions de la Grèce et des Balkans.
Extrait :
Kahina Ibnouzahir se servit à son tour un verre de thé fumant, dans lequel elle trempa le bout des lèvres.
— Qu’est-ce que Zoì vous a dit après le départ de Sibel ?
— Elle était perturbée. Elle n’arrêtait pas de répéter qu’elle aurait dû s’écouter. Elle disait qu’elle voulait partir. Nous lui avons proposé de dormir ici. Je lui ai dit que nous pourrions parler de tout ça au réveil. Rien n’y a fait. Elle ne voulait pas de nos conseils.
— Mais parler de quoi ? Qu’est-ce qui la mettait dans cet état ? La rencontre avec ce photographe ?
— Encore une fois, j’ignore les détails. Je peux seulement vous dire qu’elle était écartelée entre son addiction aux réseaux sociaux et sa conversion toute récente. D’un côté, elle rêvait d’être une princesse, parée d’habits et de produits de marque. De l’autre, elle aspirait à une vie pieuse et tournée vers Dieu, selon l’exemple de Sibel et de tout ce qu’on a essayé de lui transmettre ici.
— Et le recruteur, dans tout ça ?
— Le recruteur ? C’est malheureux à dire, mais il a su répondre aux deux aspirations de Zoì. Il lui a promis une vie de princesse et le paradis des purs.
Niveau de satisfaction :
(4 / 5)