Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2023
(A Line in the Sand)
Date de publication française : 2024 – Éditions Stock
Traduction (américain) : Emmanuelle et Philippe Aronson
Genres : Enquête, thriller
Personnages principaux : Catherine Wheel, lieutenante de police – Sally Ewell, journaliste – Arman Bajalan, ancien interprète de l’armée américaine en Irak
Arman Bajalan, agent d’entretien dans un motel de Norfolk, a l’habitude tous les matins, d’aller nager dans l’océan. Un matin, sur la plage, il croise deux hommes à l’air à la fois détendu et menaçant. Peu de temps après, il découvre un homme mort. La lieutenante Catherine Wheel et son équipier, Amar Adams, appelés sur place, constatent que curieusement le mort n’est pas identifiable : pas de portefeuille, pas de pièce d’identité, pas d’argent, aucune étiquette à ses vêtements. Il n’avait sur lui qu’un billet d’autocar. Pendant ce temps, Sally Ewell, journaliste, reçoit à son journal une clé USB accompagnée d’un message sibyllin. Cet envoi est lié au fait que Sally enquête sur une armée privée intervenant en Irak et en Afghanistan, en passe actuellement de signer avec le gouvernement un contrat de plus de deux milliards de dollars. Suite à ces évènements, les cadavres vont s’accumuler et la lieutenante Catherine Wheel va avoir beaucoup de travail.
Ancien soldat qui a combattu en Irak, Kevin Powers, élabore dans ce roman une intrigue où il est souvent question de militaires, notamment les armées privées intervenant sur les lieux de conflit. Les contrats qui lient ces armées privées au gouvernement américain concernent des sommes très importantes. Il serait dommageable pour elles qu’une vidéo montrant des exactions commises en Irak mette en péril de nouveaux contrats actuellement en négociation. Mais une telle vidéo existe bel et bien, elle a été tournée par l’ancien interprète Arman Bajalan. Les dirigeants de Decision Tree International, armée privée mise en cause, vont tout faire pour récupérer cette vidéo et éliminer ceux qui la connaissent. D’autant plus que si les méthodes violentes de cette armée sont connues, aucune preuve autre que cette vidéo ne l’atteste. La traque et la protection des témoins donnent alors lieu à un thriller rythmé et tendu, tout à fait prenant.
Concernant les personnages, l’auteur essaie de leur donner de la profondeur en montrant non seulement leur rôle, mais aussi leurs problèmes, leurs failles : la solitude de l’interprète Arman Bajalan, l’alcoolisme de la journaliste Sally, les doutes de la lieutenante Wheel. Parfois certains personnages se laissent aller à des états d’âme et donnent des leçons de vie qui m’ont paru un peu barbantes et superflues.
Au chapitre des critiques, on peut reprocher à l’auteur d’être resté en surface, de ne pas avoir davantage creusé le problème des armées privées qui se substituent à l’armée nationale, de ne pas avoir analysé les raisons qui poussent les gouvernements à passer des contrats avec ces sociétés. D’autre part, le passé militaire de l’auteur l’incite à mettre en avant des personnages qui ont un comportement de soldat héroïque alors qu’ils ne sont que de simples civils : le vieillard, propriétaire de l’hôtel où travaille Arman, est armé jusqu’aux dents, il attend de pied ferme l’agresseur et il a la gâchette facile. De même le père de la journaliste Sally comprend en un clin d’œil la menace, il s’organise pour y faire face, il sera capable tout seul de dégommer un ancien des forces spéciales supérieurement armé et entraîné. D’autre part, la solution adoptée par la lieutenante Wheel pour mettre fin à l’engrenage des morts violentes est limite sur la vraisemblance, surtout venant d’un officier de police intègre et expérimenté.
Point de rupture a le mérite d’aborder un sujet original, celui des armées privées, de leur comportement sur les zones de conflit, des sommes colossales qui sont en jeu. Le thriller qui en découle n’est pas exempt de défauts, mais il réussit à bien capter l’attention du lecteur.
Extrait :
— Et si le contrat en cours de négociation est signé, quelle sera la valeur totale des contrats que Decision Tree International aura passés avec le gouvernement ?
Graves se pencha de nouveau vers l’arrière lentement et délibérément. Il gagnait du temps, remarqua Sally. Le contrat n’est pas encore signé.
— Seriez-vous d’accord pour dire que la valeur de ce contrat en cours de négociation avec le département de la Défense et le département d’État s’élève à plus de deux milliards de dollars ?
— Comme je l’ai dit, monsieur, les négociations sont en cours.
Le président de la commission croisa les bras et détourna les yeux. Il voulait que les caméras dans la salle saisissent ce geste d’indignation sous son meilleur profil.
Sally trouvait cet échange aussi crédible qu’un spectacle de marionnettes pour enfants. Ils savaient quels personnages ils incarnaient et les interprétaient plutôt bien. Ils avaient répété toute leur vie pour ces rôles.
Niveau de satisfaction :
(4,1 / 5)