Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2024 – Liana Levy
Genres : Humour, Thriller
Personnages principaux : Anthony, agent de tueurs à gages – Thérèse, grand-mère qui fuit l’ehpad – Alba, tueuse débutante
Anthony est un dénicheur de talents. Les talents que recherche Anthony sont particuliers puisqu’il s’agit de recruter des tueurs à gages. Son boulot consiste essentiellement à mettre en relations des cerveaux planifiant des crimes et des doigts appuyant sur des gâchettes. Au stand de tir où il vient s’entraîner, il repère une fille qui enchaîne les cartons, mettant chaque fois en plein dans le mille. C’est Alba, une ancienne championne d’Europe de biathlon. Une pépite ! Bien sûr Anthony lui propose un contrat tout en exigeant qu’elle arrête de boire, car elle a sombré dans l’alcoolisme après la blessure qui a interrompu sa carrière sportive. Quand une des missions gérées par Anthony tourne mal et qu’un chef mafieux veut sa peau, la seule planque qu’il arrive à trouver est le camping de Vierzon. Au même moment Thérèse, 75 ans, vient de faire un AVC, elle se retrouve chez son neveu qui veut la placer en EHPAD[1]. Elle aussi fuit et finit au même camping de Vierzon où finalement tout va se dénouer.
Dans ce roman l’autrice nous a concocté une intrigue rocambolesque qui fait s’enchaîner des évènements plus improbables les uns que les autres. Le camping de Vierzon devient le refuge à la fois d’un agent de tueurs à gages et d’une grand-mère qui ne veut pas aller en EHPAD. En plus les deux sont obligés de cohabiter dans le même mobil-home. Et pour rendre leur couverture plus crédible, ils se font passer pour une grand-mère et son petit fils. Alba, tueuse débutante, va aussi atterrir au camping, car elle a situé en ce lieu la présence de sa nouvelle cible. Les barbecues et les karaokés se succèdent et pendant le feu d’artifice final les détonations des armes lourdes se mêlent aux pétards et les balles volent dans tous les sens.
Si l’intrigue est désopilante, les personnages sont hauts en couleur. Ainsi nous avons : – un jeune homme, Anthony, sorti d’une enfance malheureuse passée dans les foyers sociaux, maintenant patron d’une agence de tueurs à gages. Fier d’habiter dans le XVIe arrondissement de Paris, il porte toujours d’impeccables chemises blanches. Sa seule famille est constituée par un couple de chiens Saint-Hubert baptisés Papa et Maman. Anthony est un professionnel consciencieux, il ne propose que des crimes de qualité – Thérèse, avant son AVC était aussi patronne d’une agence, agence matrimoniale celle-là. C’était une faiseuse de couples. Quand son neveu veut la coller en EHPAD, elle n’est pas d’accord, elle aime trop la liberté, alors elle fugue – Alma est une sacrée gâchette, auparavant championne de biathlon, elle est devenue alcoolique après l’accident qui lui a bousillé une jambe. Le nouveau job que lui a proposé Anthony l’enchante, alors elle débute dans le métier en faisant du zèle et provoque le chaos.
Si la tonalité générale du roman est l’humour et la dérision, Pascale Dietrich, en bonne sociologue qu’elle est, ne manque pas de glisser dans son récit quelques remarques pertinentes sur la société :
– Les riches qui n’ont pas besoin d’armes à feu pour tenir à distance les indésirables et défendent leur entre-soi avec tact et diplomatie.
– Toutes les vies n’ont pas le même prix. Dans l’humanitaire, les blancs bénéficient d’une hospitalité généreuse alors que les noirs peuvent crever sur les bateaux pneumatiques dans la plus complète indifférence. De même, la vie des femmes vaut systématiquement moitié moins que celle des hommes.
– Les risques des réseaux sociaux sont évoqués : les commanditaires via les applications peuvent recruter des tueurs aussi facilement qu’ils commandent une pizza. Les récentes tueries des quartiers nord de Marseille provoquées par des adolescents en attestent.
– Les inconvénients de la sous-traitance sont aussi brillamment montrés.
L’agent est une comédie noire et humoristique. Malgré de nombreux morts, le roman reste joyeux et jubilatoire. Il y a aussi beaucoup d’humanité dans ces pages. L’œil acéré de l’autrice sociologue ne manque pas d’observer et mettre en lumière certaines dérives de la société.
Humour, fantaisie, chaleur humaine et critique sociale, on trouve tout cela dans cet excellent polar.
[1]EHPAD : Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes.
Ce sont des maisons de retraite médicalisées pour des personnes âgées qui ont besoin d’aide et de soins au quotidien.
Extrait :
– Tu as raison, admit Anthony, mais il est possible de s’appliquer des règles. Il y a toujours eu des meurtres et il y en aura toujours, alors autant que ce soient des gens compétents, avec des principes, qui s’en occupent. Mes talents tuent à dose homéopathique. En comparaison aux crimes des multinationales, c’est du pipi de chat. Si on s’associait, on pourrait faire aussi de bonnes actions, profitables à tous. Les fossoyeurs des Ehpad dont tu m’as parlé, qui monnayent la vie des vieux sans scrupule, on pourrait s’en charger, par exemple. La vie a un prix. Le credo de notre agence, ce serait qu’on ne peut pas la brader !
Niveau de satisfaction :
(4,5 / 5)
Coup de cœur