Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2024 (Québec-Amérique)
Genre : Thriller
Personnage principal : Laurence, fille de Carla et Bertrand, policière
Le livre qui s’intitule Baignades contient, en réalité, deux récits. La présentation du roman, et toute la publicité qui l’accompagne, porte sur le premier récit intitulé Fausse route (les 180 premières pages). Puis, de la page 181 à la page 307, on nous offre le deuxième récit, Réunion de famille. Quelques personnages se retrouvent dans les deux récits, mais l’action se passe environ trois ans plus tard. Indépendamment de la qualité des récits, pour le lecteur c’est un choc. Le changement d’atmosphère est brutal. On passe d’un drame meurtrier en forêt à une réunion de famille bourgeoise qui s’apprête à fêter la Saint-Jean. Même la quatrième de couverture ne dit pas un mot sur ce deuxième récit.
Fausse route.
Une petite famille (le père Max, l’épouse Laurence, et la petite fille de 5 ans, Charlie) passe ses vacances dans une roulotte sur le bord d’un lac. À la suite d’un incident, la famille, surtout Max, décide de quitter le terrain et, malgré la lourde pluie et les orages électriques, s’enfonce dans les bois. La roulotte se retrouve dans un fossé. Un pénible malentendu entraîne la mort de Max, tandis que Laurence et Charlie tentent en vain de fuir deux malfaiteurs. Un des deux est convaincu qu’il doit les tuer pour sauver sa peau. Il capture la mère et la fille et, dans une nuit qui n’en finit plus, tous s’empêtrent dans la pluie et la noirceur; sont bientôt à leurs trousses les policiers, leurs chiens, et quelques campeurs bienveillants.
L’intrigue est simple, les personnages peu nombreux, et c’est pourtant pratiquement impossible de quitter la lecture. Les vacanciers sont décrits par ce qu’ils font, plutôt que par des élucubrations psychologiques gratuites. La lourdeur de l’orage et la noirceur de la forêt définissent une atmosphère quasi insupportable. Et l’écriture même de Michaud, fidèle au rythme respiratoire plutôt qu’à la tradition syntaxique, nous captive comme si elle s’enroulait autour de nous. Impossible de sauter des lignes pour arriver plus vite au dénouement : on perdrait une grande partie du plaisir.
C’est ce que j’ai lu de plus captivant depuis longtemps.
Extrait :
Charlie pleurait, Max jurait, et Laurence regardait toujours droit devant elle, sourde aux pleurs de Charlie. Son pressentiment se concrétisait et ils allaient sombrer sous peu. Leurs corps désarticulés chuteraient dans le néant et les hurlements qui s’échapperaient de leurs ventres ne seraient entendus que par les damnés.
Réveille, Laurence ! La voix de Max, qui tenait Charlie dans ses bras, l’avait tirée de sa transe, ça fait trente secondes que je te crie après, et elle s’était demandée où ils étaient, si c’était cela, l’enfer, ce ciel déchaîné, cette enfant criarde, cet homme à bout de nerfs.
Niveau de satisfaction :
(4,8 / 5)
Coup de cœur
Réunion de famille
Maison confortable sur le bord d’un lac. Madeleine Arcand et son mari Gilbert, pour fêter la Saint-Jean, reçoivent leurs enfants : les deux hommes et la femme sont accompagnés de leur conjoint. On prévoit boire, manger, se baigner, discuter, raconter des souvenirs et des histoires plus ou moins drôles.
Michaud voulait écrire depuis longtemps une histoire de famille, montrer comment, derrière la joie tapageuse apparente, se dissimulent toujours des non-dits qui risquent de faire sauter la marmite. La description de ce phénomène est magistrale. Le portrait de la mère, incapable de laisser être ses enfants devenus adultes à cause d’une anxiété envahissante déguisée en amour protecteur, est particulièrement réussi. Et toujours cette façon de nous faire comprendre la nature des personnages à partir de ce qu’ils font, y compris les réflexions qu’ils s’adressent à eux-mêmes.
Sur le fond, je ne peux pas en dire trop pour ne pas perturber la lecture du premier récit. Une constante, cependant : comme dirait Ronald Lavallée, au fond, nous sommes tous des loups.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)