Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2007 (Kings of Swords)
Date de publication française : 2011 (Série noire Gallimard)
Genre : Policier – Thriller
Personnages principaux : Max Mingus et Joe Liston policiers à Miami
Miami en 1981. La ville qui était tranquille et agréable se transforme en un réservoir de délinquance. De nombreux immigrants cubains et haïtiens ont métamorphosé des quartiers entiers. Le narcotrafic fait rage et les rivalités entre les bandes de trafiquants provoquent de nombreux morts. Dans ce contexte de violence, un chef de police, Eldon Burns, a crée une unité spéciale, la MTF (Miami Task Force), un groupe d’élite de la police de Miami qui s’est donné pour but de nettoyer la ville. Les méthodes utilisées ne s’encombrent pas du respect des lois : les fausses preuves permettent d’emprisonner des mafieux importants mais faux coupables, tandis qu’on règle discrètement le compte des vrais responsables dont le pedigree est moins flatteur pour les résultats de la police. Max Mingus est un ces policiers de la MTF. Son équipier, Joe Liston, n’en fait pas partie et en plus il ne supporte pas les agissements de la MTF. Mais les deux policiers sont liés par une amitié forte. Ils enquêtent ensemble sur une affaire qui les mènera sur les traces de Salomon Boukman, un truand de haut niveau, auréolé d’un mythe entretenu : il possèderait des pouvoirs surnaturels comme se déplacer furtivement, sans se faire remarquer et disparaître de la vue des gens. Les croyances vaudou ne font qu’amplifier la peur qu’inspire ce personnage.
L’écriture est efficace sans fioritures. L’auteur fait un gros usage des acronymes : MTF (Miami Task Force) – BD (Base de Données) – CBSS (le Club des Barons du Samedi Soir) c’est le cérémonial macabre qui transforme un homme en zombi – PSN (Perception sensorielle du Nègre) c’est l’intuition des noirs selon Joe Liston. Les surnoms aussi sont nombreux : Puissance 6, nom donné par Joe liston au chef de la MTF – Fée Scato, un politicar au service du maire, homme à tout faire des missions douteuses et remueur de merde – Bonbon, l’homme de main psychopathe et cruel qui engloutit des tas de saloperies sucrées. Tout cela contribue à créer une ambiance de polar dure mais avec une pointe d’humour.
C’est un narrateur extérieur qui raconte l’histoire et non les personnages eux-mêmes. Les protagonistes entrent en scène par chapitres alternés de longueur variable. Le rythme de l’histoire est bien soutenu et la tension va grandissant jusqu’à une fin qui n’en est vraiment pas une mais plutôt une mise en attente d’une suite qui ne devrait pas tarder. L’auteur sait créer cette ambiance glauque où l’irrationnel côtoie la magouille et la corruption dans une ville en pleine mutation. Les policiers, les politiciens et les malfrats s’affrontent ou s’entendent suivant leurs intérêts et ambitions. C’est une vision noire du monde.
Ce roman est le second de Nick Stone mais chronologiquement l’histoire se situe avant celle de son premier roman Tonton Clarinette. Cependant les deux histoires ne se rejoignent pas complètement : la fin de Voodoo Land ne s’imbrique pas bien avec le début de Tonton Clarinette, laissant la place à un, ou plusieurs, livre(s) pour faire la jointure. L’histoire ne se finit pas réellement, il faudra probablement attendre un prochain roman pour la connaître. C’est un procédé que je déteste. On tombe dans le roman feuilleton, c’est la facilité quand on est incapable de ficeler complètement une histoire par bouquin, on élabore une longue histoire répartie sur plusieurs livres. Ça fidélise le lecteur ! Cette impression aussi qu’après le succès de Tonton Clarinette, l’auteur en fait un peu trop. Il utilise des grosses ficelles du paranormal quand il suggère que le truand Boukman est quasiment insaisissable, presque invisible et possédant le don d’ubiquité ou lorsqu’il expose les dons divinatoires de la prêtresse vaudou. Autre facilité utilisée par Nick Stone : la présence de la femme qui va rendre le héros, Max Mingus, vulnérable. Celle-là on nous l’a servie souvent !
Malgré ces réserves c’est un thriller palpitant qui fait passer un bon moment, mais à mon avis nettement en dessous du premier livre de l’auteur : Tonton Clarinette qui est moins grand spectacle mais plus profond, surtout en ce qui concerne la description de Haïti. Voodoo Land est un bon polar sans être exceptionnel.
Ma note : (4 / 5)
Ah les grosses ficelles je n'aime pas bien ça non plus… m'enfin je l'ai dans ma PAL ce gros livre, je le lirai bien un jour que j'aurai envie de vaudou…
Ce qui m'exaspère le plus c'est le roman feuilleton : il faut se farcir l'intégrale pour connaître la fin de l'histoire. J'ai cessé de lire Nesbo à cause de ça. Voodoo Land reste un bon polar malgré les réserves que j'ai exprimé, que d'autres chroniqueurs n'ont pas relevé à ma connaissance. Aurais-je l'épiderme sensible ces temps-ci ?