Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2021 (State of Terror)
Date de publication française : 2122 (Flammarion)
Traduction : Lori Saint-Martin et Paul Gagné
Genre : Thriller politique
Personnage principal : Ellen Adams, secrétaire d’État
J’avais déjà commenté le roman de James Patterson et du président Clinton (Le Président a disparu); fallait bien que je fasse de même avec le thriller politique d’Hillary Clinton et Louise Penny. Je ne l’ai pas regretté parce que le roman est très divertissant et très branché sur les réalités politiques actuelles.
La dernière élection a choisi un nouveau président, Doug Williams. Ce n’est pas l’homme le plus futé ni le plus courageux, mais il ne peut pas être pire que le président précédent (Dunn) qui a isolé les États-Unis de tous les pays européens, qui les a soustraits à toutes les ententes internationales, qui a imposé à ses fonctionnaires une obéissance passive, et qui a fait libérer de prison le terroriste aguerri Bashir Shaw, qui est au centre des attentats actuels. Des autobus bondés de gens ordinaires explosent à Francfort, à Londres et à Paris. Dans les trois cas, un ingénieur spécialisé dans le domaine nucléaire est tué. Personne ne revendique les massacres, mais les États-Unis se doutent bien que leur tour va venir.
Il semble que Shaw, ingénieur lui-même travaillant sur le nucléaire, trafiquant d’armes et de personnes, aurait envisagé de faire fabriquer des bombes sales pour les vendre à des groupes terroristes comme Al-Qaïda. Voudrait-on venger la mort d’Oussama Ben Laden ?
Au Pentagone, on organise une cellule de crise, animée par la secrétaire d’État Ellen Adams, ex-adversaire acharnée du candidat à la présidence. Élu président Williams a choisi Adams comme secrétaire d’État, alors qu’il ne l’aime pas non plus, probablement pour mieux la discréditer. Mais Adams prend son rôle au sérieux, se lance sur la piste de Bashir Shaw, et rencontre les autorités d’Iran, du Pakistan et même de Russie, dont le président encouragerait la mafia russe à traiter avec Shaw et les terroristes. Ce qui complique sa tâche est qu’un traître (ou une équipe) sévit près du président américain et poursuit un objectif analogue à celui des terroristes : abolir le gouvernement actuel qui ne respecte pas les valeurs fondamentales américaines : « Vous pensez que Washington, Jefferson et les autres Pères fondateurs reconnaîtraient ce pays ? On vole les emplois des vrais Américains. On interdit la prière. On pratique des avortements à chaque heure de chaque jour. Les gays se marient. Les immigrants et les criminels entrent à flots. Et nous allons les laisser faire ? Assez ! Ça s’arrête. Maintenant ».
Qui est la taupe ? La cheffe du cabinet Barbara Steinhauser ? Le général Whitehead, Chef d’État-major ? Tim Beecham, le directeur du renseignement national ? Ellen Adams elle-même ou son chef de cabinet Charles Boynton ? Qui d’autre ?
On voyage beaucoup mais le nombre de personnages importants est restreint; on ne s’y perd pas. Tout est centré sur la secrétaire d’État Ellen Adams, une véritable super woman qui n’hésite pas à bousculer les conventions et les chefs d’État, y compris le président de la Russie, formidable anticipation du rôle de Poutine dans la guerre contre l’Ukraine. On a parfois l’impression de lire les nouvelles internationales dans un journal spécialisé. L’intrigue elle-même est un peu tirée par les cheveux, comme dans un film de James Bond, et on ne peut pas dire que c’est désagréable. Penny s’est permis d’intégrer l’inspecteur Gamache au récit; c’est une idée qui accentue l’aspect imaginaire de cette aventure qui risquerait d’apparaître comme trop réaliste. Enfin, et c’était important pour les deux auteures, je crois, les femmes ont vraiment le beau rôle et les hommes semblent, au mieux, des seconds violons, même à la Maison Blanche. Au fond, il est temps que les romans s’inspirent un peu de la réalité.
Extrait :
– Se pourrait-il, fit la secrétaire Adams, que l’attentat n’ait pas été revendiqué parce que ce n’est pas la peine ?
Tous les yeux se tournèrent vers elle, comme si, à la surprise générale, une chaise vide avait parlé. Le secrétaire d’État aux Affaires étrangères du Royaume-Uni piaffa d’un air exaspéré. De quel droit la nouvelle secrétaire d’État des États-Unis leur faisait-elle perdre leur temps ? Se croyait-elle capable de dire quelque chose de pertinent ?
L’œil américain semblait gêné.
Sans se laisser démonter, Ellen poursuivit, rapporta les propos du général Whitehead. Venue du chef d’État-major, l’idée avait plus de crédibilité que si c’était Ellen qui l’avait formulée. Elle s’en moquait. Elle avait besoin de leur attention, et non de leur approbation ou de leur respect.
– Madame la secrétaire, dit le Britannique, un attentat terroriste a justement pour but de répandre la terreur. Se taire ne fait pas partie du manuel de stratégie.
– Merci, je suis au courant, répondit Ellen.
– Les auteurs de l’attentat sont peut-être des fans d’Alfred Hitchcock, dit l’œil canadien.
– Oui, oui, fit le Britannique. Et des Monty Python aussi. Poursuivons.
– Où voulez-vous en venir ? demanda Ellen à la Canadienne.
– Hitchcock avait compris qu’une porte fermée est beaucoup plus angoissante qu’une porte ouverte (…) Votre général a raison, madame la secrétaire d’État. Le vrai visage de la terreur, c’est l’inconnu. La terreur véritable se nourrit du silence.
Ellen se pétrifia. Puis le silence fut fracassé. Elle sursauta quand tous les téléphones encryptés sonnèrent en même temps (…) Au même moment, Boynton se pencha sur Ellen Adams.
Il y a eu une explosion à Paris, madame la secrétaire d’État.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)