Septembre avant l’Apocalypse – Lionel Noël

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2023 (Alire)
Genres : Espionnage, historique
Personnage principal :
Desmond Bingham, journaliste

Pas facile de résumer ce roman, long et dense. Les lecteurs des romans précédents de Noël reconnaîtront le style, mais en plus complexe encore que dans Halifax Express. Plus de personnages, plus de petites intrigues juxtaposées dans ce grand thriller, et un fil directeur aux faces multiples : l’enquête, bien sûr, de Desmond Bringham, sur l’agence privée Atropos utilisée par le gouvernement américain pour contourner les agences officielles du pays afin d’exécuter des tâches discutables dans l’ombre, et de centraliser toutes les informations recueillies par les diverses agences de renseignements. Mais aussi, évidemment, la compétition entre ces agences et les intérêts particuliers des membres influents du gouvernement qui ont pour habitude de ne pas tenir compte suffisamment des alertes de menaces terroristes qui sont pourtant relayées d’un bureau à l’autre.

Après le 11 septembre, on savait bien qu’il y avait eu des problèmes de communication entre les principales agences de renseignements, mais Noël décrit en détail les raisons pour lesquelles les informations relatives à une énorme attaque terroriste qui se prépare contre les États-Unis n’aboutissent pas entre les mains de ceux qui auraient pu contrer les attentats que l’on connaît. Les recherches de l’auteur s’étendent sur plus de 20 ans; ce qui rend la lecture très instructive mais un peu fastidieuse.

C’est un véritable livre d’Histoire et même de géographie : un Montréalais reconnaîtra les immeubles fréquentés par les espions, particulièrement le restaurant Alexandre. Le lecteur doit prendre des notes comme quand il était étudiant. C’est pourquoi le roman nous tient, mais pas comme nous tient un roman policier ou d’espionnage. Même les romans de John Le Carré, avec qui on a comparé l’auteur, sont moins touffus et on peut y déceler plus facilement la progression d’une intrigue.

Cela dit, Michel Roberge a écrit un commentaire dithyrambique et très fouillé sur ce roman qui apparaît comme le testament de l’auteur (même s’il est encore jeune).

Noël explique dans une entrevue que ce roman est « construit sur les fils conducteurs, les dialogues et les scènes de trois manuscrits jamais publiés et rédigés avant 2001 ». D’où un travail colossal d’intégration et de synthèse. Il pourrait ajouter ce que Sartre disait d’une de ses œuvres philosophiques très développées : « Je n’ai pas eu le temps de faire bref ! »

Extrait :
Dobrikine[1] sait que l’idée de faire percuter un avion de ligne dans un gratte-ciel au cœur d’une mégalopole ne vient pas d’Al Quaïda. Cette stratégie a déjà été planifiée sur Paris, en 1994, par les Algériens du Groupe islamique armé, durant le détournement et la prise d’otages du vol 8969 d’Air France, scénario avorté par l’intervention du GIGN[2] sur les pistes de l’aéroport de Marseille.
Pour Dobrikine, il est clair qu’il devait se passer quelque chose d’énorme. On ne joue pas avec le feu impunément. En Afghanistan, les Américains avaient financé à coups de millions de dollars la lutte antisoviétique, mais comme personne chez eux n’avait voulu aider à réparer la casse, ils devaient forcément en payer les conséquences. Et Dobrikine estime qu’ils ne l’ont pas volé car, à ses yeux, les États-Unis sont l’incarnation personnifiée de l’ignorance, de l’égocentrisme, de la cupidité et de l’hypocrisie.

[1]  Chef du SVR au Canada, le Service des renseignements extérieurs de la Fédération de Russie, qui a succédé au KGB en 1991. Équivalent de la CIA.
[2]  Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale française.

Niveau de satisfaction :
4.3 out of 5 stars (4,3 / 5)

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2 réponses à Septembre avant l’Apocalypse – Lionel Noël

  1. michel dufour dit :

    Je crois que Noël considère un peu ce roman comme l’oeuvre de sa vie (même si, relativement jeune, il n’a pas encore dit son dernier mot).

  2. Marcel Dejardin dit :

    J’ai mis beaucoup plus de temps pour venir à bout de la lecture de ce roman par rapport à « l’Ordre du Méchoui », « Brouillard d’Automne » ou « Opération Ishkra », non pas par le nombre de pages, mais par la construction fouillée du scénario. L’auteur est sorti de son style plus réservé et a osé secouer ses lecteurs. Je suis persuadé que ce livre rencontrera le succès escompté. Au coin du feu avec ce bon roman, voilà un bon moyen de s’occuper durant l’hiver !

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