Par Michel Dufour
Date de publication originale : 1959
(Mi amigo)
Date de publication française :
2015 (Actes Sud)
Traduction (américain) : Fabienne Duvigneau
Genre : Western
Personnage principal : Sergent John Desportes, Bud Smith
Plusieurs rédacteurs de romans westerns américains étaient, en même temps, scénaristes de ces films qui ont enchanté notre jeunesse. C’est le cas de W. R. Burnett, à qui nous devons une cinquantaine de scénarios. Côté romans, c’est sa trilogie westernienne qui est restée dans notre mémoire : Terreur apache, Lune pâle et Mi amigo.
Mi amigo se situe, vers la fin du XIXe siècle, au Nouveau-Mexique, plus exactement à Mesa Encantada, un îlot dans le désert du Sud-ouest américain, où les guerres contre les Apaches sont maintenant terminées. Le village est supervisé par la présence à peine plus que symbolique d’une garnison de l’armée, dirigée par le commandant Etheredge, toujours tiré à quatre épingles, qui compte résolument sur le sergent John Desportes pour régler l’ensemble des problèmes. Dans la quarantaine, dédié à l’armée au point d’être resté célibataire, courtois et efficace, le sergent est au centre du récit de Burnett. C’est le fil directeur qui relie les aventures de Bud, les vols d’argent et de chevaux, et les problèmes causés par les affrontements entre mercenaires à La Paz.
Autre personnage important : Bud Smith, un gars de 19 ans qui en a l’air de 16, apparemment inspiré par Billy the Kid, sauvé par le sergent d’une mauvaise chute dans un ravin, et auquel s’attachera paternellement Desportes. Bud tendra aussi à développer une certaine amitié avec lui, mais il restera un électron libre.
Autour de ces personnages se développe une galerie de femmes et d’hommes qui retiennent l’attention : le commandant et l’élégante commandante, bien sûr, le médecin blasé Grayson, le vieil ami du sergent Natty Bugworth, noceur impénitent, la jolie jeune fille Lolita, qui porte bien son nom, sa mère Maria, gouvernante du commandant, quelques Apaches comme Cheval Noir et quelques Mexicains comme Salzedo qui maintient l’ordre dans son hôtel-bar-saloon, et j’en passe.
Le roman est construit comme une série télé de 17 épisodes : les retrouvailles de Natty et du sergent (qui ont servi ensemble dans la cavalerie il y a 11 ans); le sergent qui trouve Bud dans une mauvaise posture; arrivée à Mesa Encantada… Ce serait fastidieux de nommer tous les épisodes. On pourrait dire qu’il s’agit de la vie quotidienne dans une bourgade du Sud-ouest américain : la traque de bandits; quelques règlements de compte; grandeur et misères d’une jeune fille en fleurs; l’instauration de la loi martiale à La Paz. Tout au long de cette année, ce qui reste constant et important, c’est la relation entre Bud et le sergent, cette sorte d’amitié ambigüe et fragile dont on craint la fin tragique…avec raison.
À cause du paysage inusité, on pourrait se sentir perdu, mais les protagonistes ne sont pas tellement différents de nous, et l’écriture de Burnett est plutôt moderne. Pas vraiment un thriller ni un western d’action; plutôt une peinture réaliste d’un moment et d’un lieu particuliers de l’histoire des États-Unis. Pas de héros non plus : le sergent Desportes doit ressembler à des dizaines d’autres soldats, faillibles mais pleins de bonne volonté, attachés au respect de la loi et à l’armée, qu’ils finissent par considérer comme leur propre famille.
Bref, un récit minutieux de Burnett qui, sans rien de spectaculaire, finit par s’insinuer habilement dans notre imaginaire.
Extrait :
Le jour s’était levé, et un soleil rouge perçait la brume au-dessus des montagnes. Ils entendaient déjà la fusillade alors qu’ils n’avaient pas encore atteint les abords de la ville. Le sergent ordonna une halte pour communiquer ses instructions. Le drapeau fut déroulé et dressé dans le manchon fixé à la selle; le clairon était prêt à sonner de son instrument.
Le premier homme qui les aperçut n’en crut pas ses yeux. Le détachement de soldats apparut au sommet d’une petite hauteur, amplement déployé autour du drapeau qui claquait dans le vent du désert. Et tandis que l’homme stupéfait se demandait s’il n’avait pas la berlue, le clairon sonna haut et fort, lançant un puissant avertissement qui roula vers La Paz (…)
Le sergent ouvrait la marche sur son grand cheval noir. À sa droite chevauchait Boyne Strapp, une Winchester en travers de la selle, son visage buriné arborant une expression sombre et menaçante. À la gauche du sergent se tenait le caporal Sanders, sous le grand drapeau qui ondoyait dans le vent. Puis venaient Red Myles et les troupiers, des hommes aguerris, au teint hâlé, avec leurs mousquetons prêts à tirer et les sabres qui leur battaient les cuisses. (…)
Le sergent conduisit ses hommes directement devant le dépôt d’armes, au milieu des deux camps adverses. Les tireurs de Macfarlane, alignés de l’autre côté de la rue, accueillirent les soldats d’un air maussade. Après un ultime et vibrant coup de clairon, le sergent se dressa sur ses étriers et lança : « Écoutez-moi tous ! Je déclare la loi martiale. La ville est maintenant sous la protection du gouvernement des États-Unis. Toute juridiction est suspendue. Nous sommes la loi. Et nous pendrons haut et court ceux qui troublent la paix. À présent, dispersez-vous ».
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)