Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2021 (Éditions De Borée)
Genres : Aventures, Grands espaces
Personnage principal : Juliette Manolet, ingénieur agronome, responsable du projet de cohabitation des loups et du pastoralisme
Adolescente, Juliette Manolet a été traumatisée par des cadavres de brebis tuées par des loups. Plus tard, devenue ingénieur agronome, elle restera imprégnée de l’image de ces bêtes mortes comme foudroyées, ce qui ne l’empêche pas de participer à des programmes de protection des loups. Elle décroche une subvention pour monter un projet original, appelé Louable. Son idée « vivre avec le loup en l’éduquant » tend à réconcilier les éleveurs et les défenseurs des loups. Elle présente les détails de son plan à l’école communale de Névache, dans les Hautes-Alpes, en présence des élus municipaux, des habitants et des éleveurs. Ces derniers réagissent mal à ce qu’ils considèrent comme un programme utopique, un gadget déconnecté du terrain. Leur solution à eux, c’est le fusil. Qu’on les laisse faire et ils régleront le problème. Bien que perturbée par les réactions hostiles, Juliette commence, avec l’aide de ses deux coéquipiers, à déployer le projet, en espérant que des résultats convaincants amèneront les gens à revoir leur position.
Le plan de Juliette est ambitieux : il s’agit à la fois de protéger simultanément les prédateurs, les loups, et leurs proies, les moutons. L’idée est de repérer les loups avec des drones, les anesthésier par des tirs de pistolets hypodermiques fixés aux drones, les munir de colliers GPS et de détecteurs de sonnailles des brebis. Ainsi quand un loup ainsi équipé s’approche d’un troupeau, le collier détecte le bruit des sonnailles et émet aussitôt un son répulsif qui fait fuir les prédateurs. Maintenant, il faut mettre au point tout cela. L’équipe dirigée par Juliette travaille d’arrache-pied, améliorant petit à petit le matériel et les logiciels. Elle finit par avoir des résultats intéressants qui attirent la presse locale vers ces jeunes qui proposent une solution originale. Une jeune journaliste séduisante se rapproche d’eux. Un peu trop même ! Mais ces avancées sont mises en danger par l’action de certains éleveurs partisans de l’éradication plutôt que de l’effarouchement.
Comme Juliette, l’auteur opte pour une position médiane entre les protecteurs des loups et les éleveurs. La défense des animaux sauvages n’empêche pas la compréhension de ceux qui sont sinistrés par la perte de plusieurs bêtes. Les points de vue opposés sont exposés équitablement sans parti pris. Le plus farouche détracteur de Juliette paraît, d’un premier abord, entêté et borné, mais il se révélera plus tard être un homme sensible qui a traversé de lourdes épreuves. Si lui ne pense qu’à liquider les loups, son fils de huit ans est attiré et fasciné par ces animaux. Ce garçon se liera grande amitié avec Juliette. Il sera même pour elle un réconfort qui l’aidera à supporter une déception sentimentale.
Le cadre est fondamental dans ce roman. Il y a de belles descriptions de la montagne, de la vallée de la Clarée, des grands espaces dans lesquels évolue le loup. Il y a aussi une auberge à Névache, aussi chaleureuse que leurs propriétaires, qui devient le quartier général de Juliette et de son équipe.
On notera aussi de nombreuses digressions philosophiques qui nous éloignent momentanément de l’intrigue. Sûrement un effet du cadre majestueux qui incite à la méditation.
Dans ce roman, Alain Pyre aborde intelligemment le sujet clivant de la cohabitation des prédateurs sauvages avec les animaux domestiques. Il imagine une solution qui permettrait de préserver pareillement des éléments aussi antagonistes que le loup et le pastoralisme. La nature y tient une bonne place, mais il y a aussi des humains avec leurs souffrances, leur besoin d’amitié et d’amour.
Extrait :
L’homme n’est qu’un passager du vent qui, toujours, soufflera selon son bon plaisir. Si la destinée des agneaux ayant connu l’ivresse des bonds et des jeux et le réconfort gourmand de mamelles laineuses est de subir, après un bref tumulte, l’étreinte de canines acérées, en quoi est-elle foncièrement plus cruelle que la morsure électrique de pistolets manipulés à la chaîne dans des abattoirs sordides, suivie d’une agonie en d’atroces convulsions ? Si l’idéal de certains éleveurs repose sur un cheptel bien gras et sur la stabilité d’un chiffre d’affaires, celui des prédateurs réside également dans la survie de leur famille, de leur espèce. Tous ont des petits à nourrir. Juliette, une fois encore, comprenait ces motivations similaires et néanmoins inconciliables.
Niveau de satisfaction :
(4 / 5)