Rien – Jean-Jacques Pelletier

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2023 (Alire)
Genre :
Thriller
Personnage principal :
Dufaux, inspecteur-chef (SPVM)

Pas facile de résumer les romans de Pelletier, parce que les événements revolent de tous bords et de  tous côtés, en même temps. Le lecteur doit affronter un volume qui l’oblige à prendre son temps et à se munir d’un crayon, même si l’auteur nous offre une annexe des sept membres de l’équipe de Dufaux, des seize personnages principaux, des trente-cinq personnages secondaires et des six groupes notoires qu’on devra fréquenter. Pelletier vise une certaine forme de réalisme : pour lui, nous sommes assaillis continuellement par toutes sortes d’informations qui nous arrivent de partout; ainsi, dans ses romans, et particulièrement dans celui-ci, un groupe de musique trash est tenu en otage, le directeur du SPVM est assassiné, on apprend que, en Nouvelle-Zélande, un fleuve (sic) poursuit des pollueurs, un témoin supposément mort, s’évade d’une fourgonnette alors qu’il était en route vers une résidence protégée, et rencontre sir Charles Paul, qui bénéficie d’un traitement médical qui lui assure une longévité fort agréable.

Ce qui donne une certaine unité à tout ça, c’est un thème cher à Pelletier : le monde court à son anéantissement, le grand rien, en polluant et en détruisant la nature, en favorisant les changements climatiques, en pratiquant l’extermination de centaines d’espèces de plantes et d’animaux. En réaction contre l’indifférence des masses et l’incapacité de trouver une riposte efficace, des écoterroristes bloquent les ponts; des milliardaires se font assassiner. Mais ils ne font pas le poids : derrière les forces du capital et de l’industrie, une puissante organisation, la Liste XIII, accentue la disparition de notre espèce tout en se préservant des conditions de vie qui leur seraient favorables.

Dufaux et sa brigade bénéficieront des informations fournies par des agents infiltrés ou par des membres de l’organisation qui craignent une large épuration pour colmater les fuites. Ce n’est pas l’intelligence des policiers qui nous fascine. Sauf une exception, les personnages créés par Pelletier, même si on les retrouve dans un quatrième roman, ne sont pas individuellement si importants ni si attachants (comme un Holmes ou un Poirot, par exemple). L’important c’est leur solidarité, donc le groupe auquel ils appartiennent. L’exception, c’est la jeune Maryann, rare personnage à laquelle on s’attache et qui a séduit Pelletier malgré lui, puisqu’il lui a laissé beaucoup plus de place que prévu. Un deuxième facteur nous incite à persister dans notre lecture, c’est l’actualité du problème et la connaissance des lieux. Ça nous implique : veut, veut pas, on fait partie de ces événements et on reconnaît notre impuissance face à la décadence amorcée.

Extrait :
Antoine Pinoré tenait à l’annoncer personnellement aux responsables syndicaux de ses usines en France : il y aura une réduction majeure des effectifs et la révision draconienne du plan social.

Avant même d’avoir terminé, il a eu droit aux inévitables crises de nerfs et aux invectives des dirigeants syndicaux. Pendant une dizaine de minutes, il s’est efforcé de les écouter pour ne pas jeter d’huile sur le feu.
Puis, après les avoir laissés se défouler, il a déposé son ultimatum final :
─ Vous avez trois jours pour accepter les offres. Sinon, je ferme toutes les usines et je transfère la production dans des pays où les ouvriers vivent avec une fraction de votre salaire.
─ Vous n’avez donc aucune conscience sociale ? proteste le représentant de la CFDT.
─ Au contraire. Je vous parle d’ouvrir une usine dans un pays où la majorité des jeunes sont sans emploi. Et je vais tripler les salaires qui y sont habituellement offerts. Ça n’est pas de la conscience sociale, ça, s’occuper des plus défavorisés ? Il n’y a rien de plus éthique que la mondialisation !

Niveau de satisfaction :
4.4 out of 5 stars (4,4 / 5)

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