Le Bureau des Affaires occultes – Éric Fouassier

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2021 (Albin Michel)
Genres : Enquête, historique
Personnage principal :
Inspecteur Valentin Verne (Paris)

Prix Maison de la Presse 2021
Prix Griffe noire du meilleur polar historique 2021

J’ai commencé par lire Le Bureau des Affaires occultes, t. 2 : Le Fantôme du Vicaire. Et j’ai voulu savoir comment tout cela a commencé. Dans ce roman-ci, le Bureau des Affaires occultes n’est pas encore créé. Mais l’enquête menée par Valentin Verne porte sur une affaire quand même assez mystérieuse : un gentil garçon qui respirait la joie de vivre une seconde avant son geste malheureux se suicide avec un grand sourire. Dans ce roman, on retrouve, comme dans le premier, ce souci de l’auteur d’inscrire l’intrigue dans un contexte historique précis : 1830, les débuts du règne de Louis-Philippe, où se disputent encore royalistes et républicains. L’insertion historique est développée avec précision comme dans les romans de Jean-François Parot (les enquêtes de Nicolas Le Floch) avec une insistance particulière  sur l’histoire de la médecine et de la pharmacie (que Fouassier enseigne à l’université), ce qui est d’autant plus pertinent qu’au XIXe siècle criminels et policiers emprunteront beaucoup à ces disciplines.

À la Brigade de la sûreté, fondée par Vidocq, Verne est chargé d’élucider quelques morts étranges susceptibles d’ébranler le nouveau régime, tout en poursuivant sa chasse au Vicaire, cet assassin sadique et pédophile qui a toujours un pas d’avance sur lui. Fouassier nous entraîne des bas-fonds de Paris les plus délabrés jusqu’aux milieux bourgeois les plus riches et proches du pouvoir, en passant par un groupuscule républicain dont les membres se réunissent en secret au cabaret Les Faisans couronnés.

Verne, au péril de sa vie, car il réussit à échapper à cinq attentats dirigés contre lui, parvient à relier les suicides de Lucien Dauvergne et du sieur Tirancourt à un complot dirigé contre la monarchie de Louis-Philippe au profit d’une clique de républicains bien nantis. Ceux-ci jouissent d’une nouvelle arme apparemment efficace : un mélange de drogues et d’hypnose rendant aisée la manipulation d’un individu. Fouassier en profite pour nous résumer les premiers pas de la suggestion hypnotique, de Mesmer au marquis de Puységur; en même temps qu’il explique l’effet perturbateur des trois diaboliques, la belladone, la jusquiame et le datura, dont on isole l’alcaloïde à la fin du siècle : la scopolamine. On pourrait sans doute parvenir ainsi à persuader le vicomte de Champagnac, chargé d’instruire le procès des ministres de Charles X, de commettre un acte ignoble qui aurait pour effet de dresser davantage la population contre le pouvoir royal.

L’écriture agréable et l’information pertinente précise permettent au lecteur d’oublier les fils blancs qui cousent bien des scènes d’action : le duel, entre autres, et les divers attentats dont est victime l’inspecteur Verne, qui n’a pourtant rien d’un James Bond. L’intrigue capte toutefois sans effort notre attention et les multiples rebondissements nous incitent à nous tenir aux aguets. L’addition de certains personnages qui ont bien existé, comme Vidocq, le professeur Pierre Joseph Pelletier, le dramaturge Étienne Arago, le mathématicien Évariste Galois, et la danseuse Madame Saqui, dans la troupe de laquelle joue la jeune Aglaé Marceau, voisine de George Sand…,  ajoutent au réalisme de l’intrigue.

Bref, bien que dans ce premier roman d’une nouvelle série Fouassier ait rempli la coupe à ras bord, c’est un véritable plaisir de se laisser mener et même quelque peu malmener par son enthousiasme.

Extrait :
Valentin s’était déplacé l’air de rien vers le centre de la salle. Parvenu au niveau de la table d’examen, il souleva un coin du drap mortuaire pour dévoiler la tête et le tronc du gisant.
Mazette ! s’exclama-t-il. Voilà qui n’est pas banal.
Quoi donc encore ?
Avez-vous noté l’expression de son visage ?
Rigor mortis, laissa tomber le Dr Tusseau en haussant les épaules avec une apparente indifférence. Comme les autres tissus, les muscles de la face se sont rigidifiés. C’est le processus normal. Si vous avez lu Orfila, il n’y a rien là qui soit de nature à vous intriguer.
Valentin ne répondit pas immédiatement. Il ne parvenait pas à détacher son regard des traits de Lucien Dauvergne. Car ce cadavre souriait !

Delacroix, La liberté guidant le peuple, 1830

Niveau de satisfaction :
4.2 out of 5 stars (4,2 / 5)

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