De neige et de vent – Sébastien Vidal

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2024 – Le mot et le reste
Genre : Roman noir
Personnages principaux :
Nadia et Marcus, gendarmes – Victor, voyageur – Basile Gray, maire du village de Tordinona

Dans les Alpes, dans un lieu proche de la frontière entre la France et l’Italie, un homme et son chien marchent sous une tempête de neige. Ils arrivent au petit village de Tordinona espérant y trouver refuge. L’inscription sur le panneau annonçant le village laisse le voyageur perplexe : Vous pouvez encore faire demi-tour. Ce n’est pas le jour pour demander l’hospitalité dans ce village déjà peu accueillant : la fille du maire vient d’être retrouvée morte et peut être violée. Basile Gay, un colosse, maire tout puissant de Tordinona, d’abord fou de douleur, va transformer sa souffrance en désir de vengeance. Cet étranger qui vient juste d’arriver est le coupable tout trouvé. Comme au bon vieux temps du western, les hommes du village décident de pendre le présumé criminel. Nadia et Marcus, gendarmes en patrouille, s’interposent et protègent l’individu. Devant la colère des habitants, ils sont obligés de se réfugier dans la mairie qui est cernée par les chasseurs aux ordres du maire et comme l’électricité a été coupée et qu’une avalanche a emporté le seul pont reliant Tordinona au reste du monde, ils sont bloqués dans le village. Commence alors un long siège.

L’auteur met d’abord en place une belle ambiance sombre et angoissante. Le blizzard hurle sans interruption de jour comme de nuit, la neige tombe dru et recouvre tout. Le froid s’installe, l’extérieur est dangereux. Au climat hostile s’ajoute l’animosité des villageois envers tout ce qui est différent d’eux. Même avant l’arrivée de l’étranger, le maire et ses acolytes ne supportaient pas un groupe de six jeunes venus s’installer en périphérie du village, dans une ferme où ils faisaient de l’élevage et produisaient des fromages bio appréciés pour leur qualité par les gens de la région qui venaient les acheter en cachette du maire. Ces jeunes sont trop dissemblables des villageois pour être admis. D’ailleurs à Tortinona on n’aime pas les étrangers, même les touristes de passage ne sont pas bienvenus. Ce n’est pas parce qu’ils détestent les étrangers que les locaux s’apprécient entre eux. Certains vont même profiter du désordre engendré par l’assassinat de la fille du maire pour régler de vieux comptes : mettre le feu à la grange d’un rival avec les bêtes dedans ou liquider l’amant de sa femme ou encore se débarrasser d’un vieux père à l’agonie. Bref, à Tordinona l’ouverture d’esprit et la joie de vivre n’ont pas cours.

Côté personnages, les gendarmes Nadia et Marcus ne sont pas des redresseurs de torts sans peur et sans reproche, ce sont deux rescapés. Elle, amputée d’un sein suite à un cancer, lui, amputé de sa propre estime suite à son comportement lors d’un attentat quand un camion a foncé sur la foule. Cependant leur sens de l’honneur et du devoir sauvera la vie de Victor, le voyageur malchanceux. Victor a l’habitude d’écrire ses impressions de voyage dans un carnet. Ça l’aide aussi à lutter contre le stress. Curieusement, il devient le confident de Nadia et de Marcus qui vont finir par lui dire ce qu’ils n’ont jamais avoué à leurs proches. Même Vosloo, un ancien militaire qui devient un allié aussi inattendu qu’efficace, lui confiera ses obsessions héritées de ses campagnes. Victor se fait beaucoup de soucis pour son chien, Oscar, qui a réussi à s’échapper quand son maître a été pris à parti. Basile Gray, le maire, est un géant de près de deux mètres. C’est un meneur d’hommes charismatique et persuasif. Il a été complètement dévasté lorsqu’il a appris la mort de sa fille chérie. La seule façon qu’il a trouvé pour continuer à vivre c’est de transformer sa douleur en haine envers cet étranger dont il est certain qu’il est l’assassin de sa fille, car personne ici n’aurait osé s’en prendre à elle, tant son autorité sur les 112 habitants du village n’est contestée par personne.

L’écriture est vraiment admirable, elle donne au roman toute sa force en montrant la violence, que ce soit celle de la nature ou celle des hommes.

De neige et de vent est un roman qui se distingue par la façon dont Sébastien Vidal montre la nature déchaînée, la xénophobie et les préjugés des habitants d’un petit village de montagne, il est aussi remarquable par la qualité des personnages et de l’écriture. C’est un excellent roman noir.

Extrait :
La sidération recouvre la place. Il n’y a soudain plus un son, à l’exception du tracteur dont le moteur continue de tourner en tremblant de toute sa structure. Personne ne bouge, tout le monde espère que c’est un cauchemar et qu’il en verra bientôt le bout. Repliés dans le bar, derrière les bouleaux, retirés dans les venelles, les assaillants déchantent. Il ne s’agit plus de hurler avec la meute et de se défouler sur un individu seul et sans arme, il est question de se battre avec deux gendarmes bien armés et déterminés, qui rendent les coups. Nadia, collée au mur qui jouxte la fenêtre, observe l’extérieur tout en plaquant sur son gilet ses mains qui tremblent atrocement. Ce qu’elle vient de voir est de l’ordre de la guerre, la scène repasse en boucle dans sa tête. Elle sait, d’une manière immanente, qu’elle est déjà stockée dans un coffre de sa mémoire et qu’il sera impossible de l’en déloger, qu’elle viendra la hanter à n’importe quel moment de sa vie.

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)
Coup de cœur

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