Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2013 (Rivages)
Genres : Western, grands espaces
Personnage principal : aucun
Prix : Prix du livre Inter 2014, délivré par un jury de lecteurs sélectionnés par la radio France-Inter
Dans l’immense prairie de l’Ouest américain, chemine la famille McPherson dans un chariot de toile tiré par deux bœufs. Il y a les deux frères Jeff et Brad, Josh le fils de Brad et la mère des deux frères, mourante qui crie en permanence. Xiao Niù, jeune adolescente passant par là, est la seule à comprendre la vieille femme malade qui hurle dans le chariot, comme un coyote. Ailleurs Eau-qui-court-sur-la plaine, une jeune indienne chamane prodigue ses soins de guérisseuse à ceux qui en ont besoin. Gifford est un de ceux là. Il était entrain de mourir dans un trou de poussière avant que l’indienne ne le soigne efficacement. Elie Coulter n’aime pas la marche à pied, alors il pique un cheval. Bird Boisverd, lui non plus, n’aime pas marcher à pied et encore moins qu’on lui vole son cheval, alors il poursuit Elie, furieux. Les rôles de cavalier et de piéton étant maintenant inversés. Zébulon a été contraint de partir en abandonnant le ranch qu’il avait bâti. Mais avant il est passé à la banque. Depuis il se méfie des miliciens et il les attend. Tous ces personnages et quelques autres se retrouvent dans une ville en construction en plein milieu de la prairie.
Faillir être flingué, un titre chargé de testostérone. Normal pour un western. Plus étonnant pour un western féminin ! Plus précisément un western écrit par une femme. Tous les codes du western sont respectés : il y a des cow-boys, des indiens, des brigands, un saloon, des fusils, des révolvers, des bagarres. Mais c’est un western totalement différent des westerns traditionnels. Ce qui fait la différence c’est l’époque. L’histoire est située au tout début de la Conquête de l’Ouest, au moment où la région n’était qu’un vaste espace commun n’appartenant à personne, ou à tout le monde. Blancs et indiens se côtoyaient. Il y avait parfois des affrontements entre les deux races mais pas plus qu’entre les différentes tribus indiennes ou entre clans de blancs. Aucune guerre de civilisation n’était déclarée. Les blancs n’étaient pas encore des colons. Dans cet espace ouvert plusieurs destins se sont croisés.
Il n’y a pas de personnage principal dans ce roman mais un grands nombre de personnages d’égale importance. Ils sont tous typés. La tenancière du saloon, le barbier, la joueuse de contrebasse, le chef des bandits, les chefs indiens …tous ont un rôle important dans cette histoire. Il n’y a pas des bons et de méchants qui s’affrontent comme dans les westerns traditionnels. Il y a des gens qui se rencontrent, sympathisent ou s’opposent. Il y a beaucoup d’humanité dans tous ces portraits. Un humour subtil et une pointe de nostalgie rendent tous ces gens bien attachants.
Il se dégage de ce roman une poésie des grands espaces, une fois que l’on est entré dans cet environnement particulier. Pour beaucoup le western représente d’abord l’aventure et l’action. Ici, l’histoire débute lentement. Il y a d’abord la présentation du cadre et des personnages. Le récit avance au rythme du chariot à bœufs des McPherson. Peu d’action. Les impatients risquent de fermer le livre après 50 pages, déçus de la lenteur du récit, mais ceux qui savent s’imprégner de l’atmosphère particulière de ce drôle de western, ne seront pas déçus par la suite.
Pour terminer je signale qu’outre le Prix du livre Inter, bien connu en France, ce roman s’est aussi vu décerner le sympathique prix Virilo qui est une sorte d’anti-prix Fémina.
Extrait :
Et à ce point du discours, alors que le gouverneur se rasseyait une seconde fois, l’œil brillant sous les vivats de ses futurs électeurs, Zébulon avait senti son visage et son cœur se vider de sang. Il avait laissé passer la grêle des applaudissements puis il avait parlé, non pas tout bas mais normalement, en regardant d’abord ses mains sur la nappe blanche puis toute la table devant lui. Et à son tour, il avait dit non. Non, cet homme ne m’a pas fait. Je me suis torché et mouché tout seul dans les bois. Je me suis nourri moi-même. J’ai lavé ses chemises pleines de sueur et de sang humain. J’ai supporté sa douleur comme une punition qui m’était due, à laquelle je ne devais pas, je ne pouvais pas me soustraire, sans trahir le souvenir d’une mère que je n’ai pas connue. Cet homme ne m’a rien appris. Ni sur les personnes, ni sur les chevaux. Il ne m’a rien permis, j’ai tout arraché et construit de mes mains. Je le dis sans juger. Quand on retrouve sa femme le ventre ouvert, vide, les intestins déroulés dans la cour, on devient fou ou on devient implacable. Il est devenu implacable, il a sauvé sa vie. Pas la mienne. Puis Zeb s’était tu.
Alors là je boude, mon message précédent n’était pas passé… Je disais donc que la découverte du Far West d’un point de vue féminin devait être intéressant, sans négliger l’humour en plus, donc je le note. Merci pour cette nouvelle découverte.
C’est en effet un western original qui tout en conservant les codes du genre, apparaît comme très différent des western traditionnels. Ce n’est pas un roman pour les impatients, il faut s’imprégner de l’ambiance et ne pas être rebuté par la lenteur du début.
Bel avis que voilà Valérian, encore plongé dans les grands espaces …
Si rien ne manque dans ce western » écrit par une femme » cela me fait bien envie.
Salut Fabe,
C’est sûr qu’un tel roman te changerait des romans noirs que tu affectionnes ces derniers temps. Il faut entrer progressivement dans l’histoire. Beaucoup risquent d’abandonner prématurément. C’est très lent au début. Mieux vaut être prévenu.