L’Évaporée du Red Light – Maxime Houde

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2021 (Alire)
Genres :
Enquête, noir
Personnage principal :
Stan Coveleski, détective privé

Montréal, fin des années 40. Stan Coveleski, ex-flic et aujourd’hui détective privé, a l’agréable surprise de trouver dans son bureau Loretta Lamour, danseuse au cabaret Full Moon, venue l’engager pour retrouver son amie Gisèle Boisvert, cigaret-girl au même cabaret, disparue depuis quelques jours. Les deux amies habitent dans une maison de chambres à Notre-Dame-de-Grâce. Stan lui pose quelques questions et on s’entend : 15$/jour plus les dépenses.

Le cas n’intéresse pas la police et la morgue n’a pas eu de nouvelles de Gisèle. À la maison de chambres, aucun locataire n’a quoi que ce soit à dire, et la chambre de Gisèle ne contient rien de pertinent. Ça commence à se corser un peu quand Stan rencontre son ami Leduc au Full Moon; de temps en temps, il accepte de travailler avec Stan. Le gérant Jimmy Coonan prétend ne pas s’intéresser à la vie privée des membres de son personnel, et il introduit Stan auprès de son staff. Tout ce que Stan apprend c’est qu’un type  au chapeau à longue plume a serré un bras de Gisèle dans la ruelle et a cherché querelle à l’intérieur du cabaret avant d’être viré manu militari par le bouncer. En sortant du Full Moon, Stan se fait tabasser par le Balafré et le géant Lenny, qui lui conseillent de laisser tomber la recherche de Gisèle. Parvenant, en fin de compte à gagner sa voiture, il est assommé par deux autres lascars et conduit dans une riche demeure.

Le ton est donné. Et on reconnaît le style roman noir américain des années 30-55. Houde a lu les romans de Hammett, Chandler, McDonald, et il a vu les films noirs interprétés par Bogart, Mitchum, Hayden. On retrouve dans ses romans le détective solitaire et paumé, la secrétaire ambigüe, les méchants hommes de main, souvent d’anciens lutteurs, le caïd sadique, le bon méchant, les ripoux évidemment, et la blonde sulfureuse. Dans la riche demeure, Stan rencontre, en effet, le méchant distingué Benjamin Katz qui lui offre 5 000$ pour retrouver Gisèle. Il est asticoté par sa fille Sylvia. Après une certaine entente avec Katz, il rentre chez lui.

Puis, Gisèle lui donne rendez-vous au Café Monarch. Gisèle n’y est pas, mais Lenny et le Balafré l’amènent à Rivière-des-Prairies et lui tirent dessus. Stan coule dans la rivière et se demande s’il préfère mourir noyé ou au bout de son sang. Stan n’est pas une mauviette, il sait échanger des coups, mais sa meilleure arme demeure l’humour, y compris vis-à-vis de lui-même.

Rescapé, conduit à l’hôpital, tiré de là par son ami policier, il rentre chez lui, nourrit un chat de ruelle, téléphone à sa secrétaire et rebondit dans l’action. Ses aventures sont loin d’être terminées; retrouver Gisèle ne met pas fin à l’histoire. Il faut aussi se débarrasser de Victor, le fils de Katz qui se prend pour le dauphin. Enfin, tout semble finir dans la joie quand la belle Loretta exprime sa reconnaissance à Stan. Mais, au matin, de nouveaux malfrats l’assomment et le conduisent dans un entrepôt désaffecté. Un capo de New York est en train de se livrer à un nettoyage en profondeur. On fait comprendre à Stan que sa vie ne tient qu’à un fil. Il comprend aussi que les têtes du Red Light seront impitoyablement remplacées et qu’il ne risque pas de manquer de travail.

En rentrant chez lui, il espère que le matou l’attend.

La série noire américaine des années 40 ne m’a jamais séduit, sauf au cinéma. Ces romans qui mettent en scène un détective mal foutu, alcoolique et plus ou moins impuissant ne me disent pas grand-chose. Dans le cas de Coveleski, c’est différent. Lui-même n’est plus une loque comme il l’a été après la mort de sa femme; il est toujours mal pris mais finit toujours par s’en sortir, souvent grâce à son humour. Puis, le fait que ça se passe à Montréal fin des années 40, pour un Montréalais c’est certes une valeur ajoutée : les références socioculturelles rendent l’histoire encore plus plausible. Le travail de recherche de Houde est impeccable : c’est vraiment comme ça que ça se passait à l’époque du Red Light.

C’est mon septième Coveleski et je le trouve de plus en plus désennuyant, sympathique, attachant même.

Extrait :
Quand la portière fut ouverte, j’empoignai Sylvia par un coude et la projetai sur la banquette. Puis je me glissai au volant du roadster, en l’obligeant à se pousser du côté passager. La manœuvre dura deux ou trois secondes. L’instant d’après, j’avais mon Beretta à la main et enfonçais mon canon dans les côtes de Sylvia.
Elle esquissa un sourire ironique.
Vous entendez plus à rire, monsieur Coveleski.
Votre pistolet ?
Je l’ai pas.
Vous permettez que je vérifie ? Je vous ai vue vous en servir, cet après-midi. Je préfère ne pas prendre de chance.
Allez-y.
Je glissai la main dans son trench, palpai ses flancs.
Prenez votre temps, dit-elle d’un air espiègle.
Je l’aurais bien palpée toute la nuit mais, quand je fus certain qu’elle n’était pas armée, je reculai dans mon coin (…)
Où est Gisèle ?
Je l’ai amenée en lieu sûr
Pourquoi vous l’aidez ? Vous avez même risqué votre vie pour elle cet après-midi.
Honnêtement, j’ignorais que les choses en arriveraient là. Mais j’étais pas pour me laisser tirer dessus sans riposter.

Red Light de Montréal

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

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