Un hiver meurtrier – Wayne Arthurson

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2012
(A Killing Winter)
Date de publication française : 2022 (Alire)
Traduction :
Pascal Raud
Genre :
Enquête
Personnage principal :
Leo Desroches, journaliste

C’est le deuxième tome de la trilogie edmontonienne qui met en vedette le journaliste Leo Desroches. L’hiver est impitoyable (des journées consécutives où le mercure baisse jusqu’à -30), surtout pour Leo qui mène une vie de sans-abri parce qu’il écrit une série d’articles sur leur mode de vie. Réduit à dormir avec eux dans les stations de métro, à geler dans des habits de fortune et à se heurter à des gardiens de sécurité qui se prennent pour de grands justiciers, Leo doit en plus lutter contre son addiction au jeu. C’est la seule façon qu’il a pour oublier sa condition misérable : seul, ayant laissé derrière lui sa femme et ses enfants, incapable de lutter efficacement contre son addiction, et convaincu qu’elle finira par le détruire.

Un sursaut d’énergie le stimule quand il part à la recherche de Marvin, un vague ami, autochtone et sans-abri, toujours prêt à aider les autres, dont on n’a pas de nouvelles depuis quelque temps. Pour les forces policières un sans-abri autochtone disparu, c’est loin d’être une priorité. Leo le retrouve à la morgue, assassiné, apparemment victime d’une purge du Redd Alert, le gang criminel le plus dangereux du Canada, relié aux Hell’s Angels du Québec et de l’Ontario. On croit qu’il aurait voulu quitter le gang, ce qui est toujours fortement déconseillé.

Un tatouage au poignet confirme qu’il appartenait bien au Redd Alert, mais Leo décide de clarifier la situation. Ce qui l’oblige à entrer en contact avec les membres du gang : pour obtenir quelques informations, il se fera enlever par quelques colosses, se fera tirer dessus, abandonner le long de la route, assommer, et finira presque par passer au feu. Pas drôle le métier de journaliste; mais il en apprendra plus sur Marvin et sur les Autochtones auxquels il appartient par sa mère, sur l’exploitation dont ils ont été victimes par les gouvernements et par l’industrie pétrolière (sans parler de la religion).

Enfin, Leo ne se sort pas trop mal de son enquête, et il a tout pour réaliser un excellent reportage mais, quand il arrive au Journal, on lui fait comprendre que ses ennuis ne font que commencer.

Ce roman d’Arthurson nous permet d’apprendre beaucoup de choses sur la ville d’Edmonton, surtout l’hiver, et sur les Autochtones de l’Ouest du pays. Au Québec, on est surtout frappé par les mauvais traitements commis par les institutions religieuses; en Alberta, la dépossession des territoires autochtones est surtout due aux compagnies pétrolières et minières. Dans les deux cas, il en résulte qu’on ne voit pas qu’entre un Autochtone bourgeois et un Blanc bourgeois la différence est plutôt mince, parce qu’on continue à associer les Autochtones à des pauvres, des drogués, des prostitué(e)s, des petits criminels. L’auteur ne sombre pas dans la mystique du western (méchants Blancs vs bons Autochtones) et ne prétend pas non plus parler au nom de tous les Autochtones. On sent d’ailleurs qu’on a plutôt affaire à un essai sociologique, engagé mais objectif.

En ce sens, c’est un bon roman, mais pas tellement un polar. L’essentiel est centré sur Leo, que je ne trouve pas particulièrement attachant. Les gens rongés par la culpabilité m’ennuient, surtout quand ils se sentent condamnés à l’échec et qu’ils vivent leur souffrance comme s’il la méritait inéluctablement. C’est vrai que ça ne l’empêche pas d’être un bon journaliste. Ni l’auteur d’être un bon historien.

Extrait :
C’était bon d’avoir de nouveaux amis. Cela me donnait un sentiment d’appartenance. J’avais été seul et perdu pendant si longtemps que c’était une joie d’avoir des gens dans ma vie qui m’appréciaient, qui voulaient être en ma compagnie. J’appréciais la conversation, les échanges de plaisanterie, le soutien et le fait de savoir que si j’avais besoin de quelque chose, ils feraient tout leur possible pour m’aider. J’appréciais aussi leur absence de jugement concernant mon passé.
Mais en même temps, avoir des amis était mauvais, particulièrement pour moi. Avoir des amis signifiait qu’à un moment donné dans le futur, je les décevrais, je les laisserais tomber lorsque je replongerais dans les abysses.

Edmonton sous la neige

Niveau de satisfaction :
3.9 out of 5 stars (3,9 / 5)

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