Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2019 (Greenwood)
Date de publication française : 2021 – Albin Michel
Traduction (anglais Canada) : Sarah Gurcel
Genres : Aventures, saga, écologie, dystopie
Personnages principaux : Les Greenwood : Harris, Everett, Willow, Liam et Jacinda
2038 – Les arbres sont morts, le Grand Dépérissement les a tués, la poussière envahit tout. Une vague d’épidémies fongiques et d’invasions d’insectes s’est abattue sur les forêts du monde entier dix ans plus tôt exterminant les arbres. Seule subsiste la forêt primaire d’une île au large de la Colombie-Britannique. C’est La Cathédrale arboricole de Greenwood. Les Pèlerins, c’est ainsi qu’on appelle les touristes riches qui viennent s’y ressourcer, payent très cher une courte visite dans ce sanctuaire pour l’instant préservé. Jacinda Greenwood, dite Jake, porte le même nom que la forêt qu’elle fait visiter. Pour elle c’est une coïncidence. Elle travaille comme guide, vit modestement dans un petit bungalow destiné au personnel et économise sur son faible salaire pour rembourser les dettes contractées pour payer ses études. Un jour son ancien fiancé, devenu juriste, lui apprend que cette île pourrait être à elle si l’enquête qu’il mène aboutit. Son nom, Greenwood, ne serait pas du tout une coïncidence, elle serait l’héritière d’un magnat du bois. Pour le démontrer, il faut remonter dans la vie des ancêtres de Jake dont elle ne connaît rien.
Partant de 2038 l’intrigue remonte le temps : 2008, 1974, 1934, 1908. Elle nous fait découvrir sur quatre générations la drôle de famille Greenwood dont est issue Jacinda. Drôle de famille parce que ce ne sont pas uniquement les liens du sang qui l’ont créée, ce sont aussi les circonstances de la vie. Au départ, en 1908, deux garçons de 9 ans sont devenus frères par le hasard d’une collision frontale de deux trains. Les deux gamins ont miraculeusement survécu, mais on ne connaît ni leur nom ni leur origine. Ils sont élevés ensemble après avoir tiré au sort leurs prénoms : Harris pour l’un, Everett pour l’autre et comme ils vivent dans les bois on les appelle les Greenwood. Ce sont les ancêtres de Jake. L’auteur développe une notion élargie de la famille qu’il compare à une forêt : une collection d’individus mettant en commun leurs ressources via leurs racines entremêlées, se protégeant les uns les autres du froid, des intempéries et de la sécheresse – exactement ce que les arbres de Greenwood Island ont fait pendant des siècles.
Tous les membres de la lignée Greenwood sont liés aux arbres et au bois. L’arrière-grand-père Harris a fait fortune en coupant des forêts et en faisant le commerce du bois. L’arrière-grand-oncle Everett était bûcheron. La grand-mère Willow, activiste écologiste très déterminée, s’opposait à la coupe en déversant dans le réservoir des abatteuses-lieuses à un million de dollars pièce des kilos de sucre, ce qui bousillait leur moteur. Le père Liam était un menuisier charpentier de talent que les riches s’arrachaient. Et enfin Jake est guide forestière après avoir fait des études poussées de dendrologie (étude des arbres).
Au travers de la saga des Greenwood, l’auteur bâtit une fiction ambitieuse, dense et touffue, à la fois roman d’aventures et roman écologique. Un hymne aux arbres qui, bien qu’ayant traversé les millénaires, ne sont peut-être pas éternels. Les hommes peuvent-ils vivre longtemps sans arbres dans un monde de poussière ?
Extrait :
Ils viennent pour les arbres.
Pour respirer leurs aiguilles. Caresser leur écorce. Se régénérer à l’ombre vertigineuse de leur majesté. Se recueillir dans le sanctuaire de leur feuillage et prier leurs âmes millénaires.
Depuis les villes asphyxiées de poussière aux quatre coins du globe, ils s’aventurent jusqu’à ce complexe arboricole de luxe – une île boisée du Pacifique, au large de la Colombie-Britannique – pour être transformés, réparés, reconnectés. Pour se rappeler que le cœur vert jadis tonitruant de la Terre n’a pas cessé de battre, que l’âme du vivant n’a pas encore été réduite en poussière, qu’il n’est pas trop tard, que tout n’est pas perdu. Ils viennent ici, à la Cathédrale arboricole de Greenwood, pour gober ce scandaleux mensonge, et le travail de Jake Greenwood, en tant que guide forestière, consiste à le leur servir prémâché.
PS : Ne pas confondre Lorsque le dernier arbre de Michael Christie et Le dernier arbre de Tim Gautreaux (excellent aussi)
Niveau de satisfaction :
(4,5 / 5)
Coup de cœur