Opération Barbarossa – Julian Semenov

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2015 (Tretya karta)
Date de publication française : 2022 (Éd du Canoë)
Traduction (russe) :
Monique Slodzian
Genre :
Espionnage
Personnage principal :
Max von Sterlitz, espion russe infiltré

Opération Barbarossa est le nom de code correspondant à l’invasion de l’URSS par l’Allemagne nazie en 1941. L’Ukraine est au cœur de cette invasion parce que c’est par là qu’il faut passer pour attaquer l’URSS sur bien des fronts simultanément. Or, depuis bien des siècles, l’Ukraine se bat pour son indépendance. L’idée du Fuhrer c’est d’utiliser les mouvements nationalistes de Bandera et de Melnyk pour combattre les Russes au nom de l’indépendance de l’Ukraine pour, dans un deuxième temps, soumettre les Ukrainiens et annexer le pays.

En Europe comme aux Amériques, on ne connaît pas beaucoup Julian Semenov (1931-1993), né et décédé à Moscou, parce que ce n’est pas un écrivain dissident. En 1953, il refuse de signer un document qui condamnait son père pour calomnie du pouvoir soviétique, ce qui limitera ses possibilités dans l’enseignement universitaire et dans le journalisme. Dans les années 60, correspondant à l’étranger pour la Pravda, peut-être aussi informateur pour le KGB, il assiste à la chasse aux nazis et aux dirigeants de la mafia sicilienne, se mêle aux chasseurs de tigres en Asie et aux guérilleros du Laos, parcourt le Japon, l’Afghanistan et le Vietnam. Ces expériences multiples et diversifiées lui serviront dans son œuvre de romancier qui se développe à partir de 1960 et, surtout, de 1968 où il crée l’agent double le Standartenführer SS Von Stierlitz, si réaliste et si populaire que Brejnev voudra le décorer de l’ordre de l’Union soviétique, ignorant qu’il est un personnage de fiction.

C’est ce même von Stierlitz qu’on retrouve dans Opération Barbarossa. Le fait qu’il soit haut placé dans la hiérarchie politique allemande lui permet de se mettre le nez partout où il importe de savoir qui est responsable de quoi, et d’expédier ses informations au KGB. On est loin d’un James Bond. Plus près d’un fonctionnaire, ce pour quoi plusieurs l’ont comparé aux agents secrets créés par John Le Carré. Les romans de Le Carré se lisent quand même plus facilement.

La composition du roman est originale. Semenov joue sur l’alternance entre des considérations générales très détaillées, par exemple les diverses nations qui ont dominé l’Ukraine depuis le XVIIIe siècle, ou encore une étude des relations entre la politique et l’armée, et une série de cas particuliers (l’évolution de certains  personnages en 1941), comme l’architecte Hannah Prokoptchuk qui cogne à toutes les portes pour essayer de retourner en Pologne auprès de ses enfants; ou encore le jeune aristocrate allemand Kurt Stramm, détenu pour avoir fait partie d’un mouvement de résistance au nazisme, torturé au point où il envisage le suicide comme son avenir le plus souhaitable; ou encore, Mykola Chapoval, fils naïf d’un paysan ukrainien, séduit et manipulé par le parti nationaliste de Bandera, puis éliminé.

L’idée d’alterner des considérations générales et des cas particuliers n’est pas mauvaise. Elle permet à la fois de comprendre et de sentir. On a souvent l’impression de lire un livre d’histoire; parfois, au contraire, on sympathise avec des cas particuliers. Des commentateurs ont dit que Semenov s’efforçait d’être objectif, et c’est vrai que son agent double n’est pas vu comme un héros. Mais la barbarie des nazis, le sadisme des jeunes disciples qui tuent des enfants avec plaisir, la trahison érigée en culte, l’ambition démesurée et l’obéissance aveugle, bref tous ces éléments tracent une image de l’hitlérisme plus horrible que flatteuse. Et probablement réelle.

Ce n’est pas ça qui a rendu ma lecture difficile. Malgré l’intéressante préface de la traductrice Monique Slodzian et l’indispensable index des personnages principaux du roman, réels et fictifs, j’ai failli laisser tomber le roman à quelques reprises. Bien sûr le grand nombre de personnages au nom allemand ou russe constitue un certain obstacle. Mais j’avais l’impression d’avoir affaire à un professeur compétent dans sa matière mais incapable d’enseigner efficacement : l’effort demandé au lecteur est alors quasi insupportable.

Extrait :
« Embobinez les galopins ukrainiens, recommandait aux SS le Standartenführer Ritche, promettez-leur Kiev comme capitale, la création d’une Ukraine indépendante. Lorsque vous rencontrerez des émigrés cosaques, proposez-leur de constituer un magnifique État du Zaporojie à la Volga : peu importe, lorsque triomphera la grande idée d’une race germanique à l’échelle mondiale, nous déchirerons les accords passés. La Providence nous pardonnera ce mensonge car qu’ils soient biélorusses, ukrainiens ou russes, nous ne trompons que des sous-hommes peuplant des terres très fertiles et possédant des réserves infinies de minerais et de houille. Tout est bon pour arracher l’Ukraine à la Russie. Il faut qu’ils nous croient, c’est tout. Qu’ils fassent tout ce qui sert l’intérêt de la race germanique élue par Dieu. L’Histoire nous pardonnera tout dès lors que nous aurons accompli notre dessein. »

Niveau de satisfaction :
3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

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La forêt des assassins – Mathieu Bertrand

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022 – M+ ÉDITIONS
Genres :
Enquête policière, thriller, ésotérisme
Personnage principal :
La commandante Patricia Lagazzi, officier de la section Alésani, spécialisée dans les phénomènes étranges

1982, Périgord.
Un groupe de soixante-huitards qui s’est installé dans un village isolé du Périgord, dégénère en une secte religieuse dirigée par un petit groupe, les Dignitaires, qui provoque la mort d’une femme après un viol collectif.
2022, Paris.
Patricia Lagazzi, commandante de police et membre de la section spéciale Alésani du Ministère de l’Intérieur, spécialisée dans les phénomènes paranormaux, est envoyée pour enquêter sur des meurtres étranges perpétrés dans un village reculé du fin fond de la Dordogne.

Arrivée sur place, Patricia Lagazzi, s’installe à Brélac-sur-Vézère et entre en contact avec les gendarmes locaux. Les faits se sont déroulés dans un patelin, appelé Anarchia, accessible qu’en véhicule tout-terrain ou à pied, bordé d’une forêt sombre et dense. Ce lieu est maudit, il est bercé de légendes fondées sur des évènements mystérieux, voire démoniaques. Il ne faut jamais s’y aventurer seul. Patricia, habituée à intervenir sur des affaires impliquant des phénomènes inexpliqués, ne croit pas à ces légendes, cependant son enquête mouvementée va la confronter aux présences hostiles, mais bien réelles, qui hantent la forêt.

L’auteur nous plonge dans une enquête pas ordinaire où la réalité et les forces occultes agissent ensemble pour former une ambiance oppressante, hors du temps. La forêt de Brélac est l’endroit où se concentrent tous les dangers. Ce lieu a de quoi inquiéter : en plein milieu de la forêt se trouvent les ruines du sinistre château des Rais, les descendants de Gilles de Rais[1]. À proximité, d’autres ruines tout aussi angoissantes, celles d’un monastère du XIIe siècle, érigé pour lutter contre les forces démoniaques qui régnaient déjà dans la région. Moins de trente ans après la fin de la construction, le monastère s’est entièrement effondré, tuant la totalité des vingt-quatre moines qui l’occupaient. Les forces du mal ont gagné. Dans cette forêt sévissent également des sorciers qui se livrent à des rites démoniques.

La commandante Patricia Lagazzi n’est impressionnée ni par le cadre ni par le contexte. Elle a l’habitude de ces enquêtes où le paranormal intervient et complexifie les investigations. Elle sait que les assassins sont des hommes ou des femmes, pas des fantômes ou des démons. Lagazzi est présentée comme une professionnelle aguerrie, alors il est vraiment énervant de la voir se conduire comme la pire des débutantes : elle va seule dans la forêt interdite alors qu’on lui a bien recommandé de ne jamais le faire, pire elle se laisse prendre par la nuit parce qu’elle a commencé son intervention trop tard, elle trébuche et s’assomme en tombant, elle perd son arme dans sa chute, elle intervient seule dans une cérémonie de trente sorcières, elle se fait courser par la meute des sorcières… On comprend que l’auteur a besoin de mettre en danger son héroïne pour provoquer la tension du lecteur, mais le fait qu’elle se mette seule dans des situations délicates la fait passer pour une gourde plutôt que pour un officier de police éprouvé. Ça devient alors Les Blondes[2] dans la police !

Tous les composants du thriller ésotérique sont ici réunis et l’auteur nous sort le grand jeu pour provoquer le frisson : l’ombre de Gilles de Rais, les sorciers, les ruines lugubres, les cérémonies macabres, la secte des Ghjuvannali, les arcanes du tarot divinatoire, les crucifixions sataniques, les ordalies … N’est-ce pas un peu trop ? C’est comme un cuisinier qui aurait mis trop d’ingrédients dans son plat et finirait par le rendre indigeste.

Ce roman, rythmé et intense, se lit bien, c’est une lecture agréable et une bonne distraction, mais un peu plus de rigueur et de sobriété n’auraient pas fait de mal.

[1] Gilles de Montmorency-Laval, plus connu sous le nom de Gilles de Rais, maréchal de France, vécut au XVe siècle. Il fut l’un des plus fidèles compagnons d’armes de Jeanne d’Arc avant qu’on ne découvre qu’il s’adonnait à des pratiques alchimiques et surtout démoniaques qui pourraient avoir fait de lui le plus grand tueur en série de toute l’histoire de France.

 [2] Les Blondes est une série de bandes dessinées humoristiques, retranscrivant la majorité des blagues connues sur les femmes blondes, souvent relatives à leur prétendue stupidité.

Extrait :
Patricia réalisa soudainement l’étrangeté de son enquête. La section Alésani était spécialisée dans les affaires peu classiques mais enquêter dans un village tel que celui-ci, coupé de toute civilisation et qui, apparemment, faisait sa propre loi depuis bien longtemps avait quelque chose d’irréel. Presque de chimérique.

«  J’ai l’impression d’être dans une autre dimension, soupira-t-elle.  »

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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Le mistral meurtrier – Cay Rademacher

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2014 (Mörderischer mistral)
Date de publication française : 2022 (Lattès, Masque)
Traduction (allemand) :
Georges Sturm
Genre :
Enquête
Personnage principal :
Roger Blanc, capitaine de gendarmerie

J’avais déjà lu le premier tome de la Trilogie hambourgeoise (L’Assassin des ruines), qui se passe en 1947 dans la ville dévastée de Hambourg. Rien à voir avec ce Mistral meurtrier qui, comme son nom l’indique, se passe en Provence. C’est ici, en effet, que Rademacher et sa famille se sont installés depuis quelques années. Ce roman appartient à la série des Roger Blanc : de 2014 à 2018, Rademacher en a publié un par année; celui-ci est le premier traduit en français. L’action se passe dans le coin de Sainte-Françoise-la-Vallée, 800 kilomètres au sud de Paris, mais à quelques kilomètres de Marseille. Blanc, jeune quarantaine, séparé depuis peu, incorruptible, y a été muté parce que, en enquêtant sur des opérations financières pas très catholiques, il avait contrarié la haute gomme économique et politique de la capitale.

Blanc avait hérité il y a une dizaine d’années d’une vieille maison délabrée (un ancien moulin à huile) de la part de son oncle, pas loin de la gendarmerie de Gadet. Il y aménage et compte bien restaurer cette maison en pierre de deux étages. Atmosphère apparemment sereine : soleil en abondance, jolis boisés, un vignoble perdu dans la forêt, la rivière Touloubre qui traverse la vallée, cafés sous les platanes : la punition aurait pu être pire.

Il faut toutefois compter aussi avec le mistral, vent frais mais dont les rafales (100 km/heure) peuvent être gênantes. Et il faut aussi tenir compte du cadavre de Charles Moréas, un malfrat particulièrement antipathique mais assez rusé, spécialisé dans les abordages de voitures sur la voie publique; il a toujours échappé à Marius Tonon, le nouvel adjoint du capitaine Blanc. Sauf que là, dans une décharge publique bien remplie,  transpercé d’une dizaine de balles de kalachnikov et brûlé au troisième degré, il n’inquiétera plus Tonon ni ses voisins qu’il avait l’habitude de menacer avec une carabine. « Sans lui, la Provence sera encore plus belle », dixit Tonon.

Est-ce un règlement de comptes entre truands dans une affaire de drogues ou de trafic d’armes ? Est-ce l’architecte Lucien Le Bruchec qui a vu Moréas rôder sur son terrain à quelques reprises et qui le soupçonne de lui avoir volé quelques raquettes de tennis et des cannes à pêche dispendieuses ? Ou plutôt le peintre d’origine allemande Lukas Rheinbach qui avait de bonnes raisons pour en vouloir à Moréas ? Ou encore l’armateur Pascal Fuligni, qui vient justement d’avoir une altercation avec Moréas ? Sauf qu’il se fait assassiner lui aussi.

De la même façon que Rademacher avait décrit la ville de Hambourg dévastée par les bombes, il se plaît à peindre une Provence magnifique et accueillante, avec ses cafés sous les platanes, ses forêts riches traversées par une rivière discrète, ses fleurs attrayantes, ses paysages magnifiques bordés de montagnes qui avaient attiré tant de peintres fin XIXe. Pour l’auteur, c’est plus qu’un décor. La trame policière est presque un prétexte pour nous présenter cette région superbe où Blanc finit quasiment par se sentir à l’aise. Mais l’histoire policière n’est pas négligée, construite un peu comme un Agatha Christie : on se penche lentement sur chaque suspect pour les éliminer l’un après l’autre. Puis, quand toutes les possibilités se sont avérées insatisfaisantes, celle qui reste, même si elle peut paraître inadéquate et surprenante, est la bonne, aurait dit Sherlock.

L’action est un peu lente, mais n’oublions pas que nous sommes dans le sud de la France. Blanc est toujours surpris de voir Tonon arriver si tard au travail et il se fait souvent dire de relaxer, qu’on n’est pas en Scandinavie : « Pour nous, tout ce qui est au nord de Lyon, c’est la Scandinavie ». Lente, mais rigoureuse. Et même les personnages secondaires sont attachants. Bien des lecteurs auront le goût de prendre leur retraite en Provence et on comprend que l’auteur ait décidé d’y passer sa vie.

Extrait :
Ils goutèrent les melons de Carpentras avec leur jambon cru, accompagnés d’un muscat vendanges tardives qui égayait leurs verres. Puis Bruno sortit du four un plat en céramique avec une viande de couleur sombre.
Du sanglier. Je l’ai tiré moi-même. Nous avons une harde qui laboure toutes les nuits la moitié de la forêt.
Une daube au vin rouge ? questionna Blanc, qui se rappelait vaguement une recette.
Le vin rouge, ça se boit, c’est pas une sauce ! s’écria son hôte. Un peu d’huile d’olive, un peu de thym, un four bien chaud – et voilà !
Sylvie servit du couscous et de la ratatouille froide. On en était au rosé. Le soleil avait depuis longtemps disparu derrière les cimes quand ils brisèrent une baguette de pain de la grosseur d’un bras, et firent passer une planche avec dix sortes de fromages différents. Accompagnés d’un côtes-de-Provence (…)
Quand ils quittèrent la table vers minuit, rassasiés et lourds de vins, Blanc se sentit heureux comme il ne l’avait pas été depuis longtemps.

La Touloubre

Niveau de satisfaction :
4.3 out of 5 stars (4,3 / 5)

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Le Grand Soir – Gwenaël Bulteau

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022 – La Manufacture de livres
Genres :
Roman social, historique, roman noir
Personnages principaux :
Lucie, jeune femme issue d’une famille riche – Sorgue, militante révolutionnaire – Leroy secrétaire et garde du corps de Sorgue

Le 22 janvier 1905 une foule d’ouvriers et de prolétaires assiste aux funérailles de la Louve. Elle accompagne le modeste cercueil recouvert d’un linceul rouge de Louise Michel, figure majeure de la Commune de Paris. Jeanne, jeune femme de bonne famille, se mêle au cortège. C’est là qu’on la verra pour la dernière fois. Personne ne sait où elle est passée, ni sa famille, ni la police. Sa cousine Lucie n’accepte pas cette disparition inexpliquée, elle se lance à sa recherche dans les quartiers populaires de Paris. Pendant ce temps, un peu partout en France éclatent des grèves. Des mouvements de revendication pour de meilleures conditions de travail agitent aussi le monde des ouvriers et des mineurs. Les femmes, elles aussi, entrent dans le mouvement. Sous le conduite de Sorgue, une militante qui est de toutes les batailles, elles obtiennent des succès retentissants, notamment aux caves de Roquefort. Les syndicats prévoient une convergence des manifestations le 1er mai à Paris. Ce sera le Grand Soir.

L’auteur place son intrigue dans la période qu’on appelle la Belle Époque qui va en France de 1890 à 1914. Cette période est souvent vue comme un âge d’or. C’était peut-être le cas pour le patronat et la bourgeoisie mais l’auteur montre que pour les prolétaires exploités jusqu’à l’os, c’est une période de luttes pour acquérir de meilleures conditions de travail. Quand, à Courrières dans le Nord, plus de mille mineurs sont tués dans une explosion, la grève se répand et les affrontements avec la police et l’armée deviennent fréquents. Partout en France se déroulent des manifestations de soutien aux mineurs et un mot d’ordre s’impose : pas plus de huit heures ! Après huit heures, je quitte l’atelier ! Au bout de huit heures, je dis merde à mon chef ! Huit heures ! Chez les femmes des meneuses réclament l’égalité entre les hommes et les femmes et pour y arriver la première mesure à prendre est d’accorder le droit de vote aux femmes. Mais les grèves et les manifestations sont sévèrement réprimées et les leaders surveillés et arrêtés. Le Grand Soir est un rêve difficile à réaliser.

Bulteau fait la part belle aux femmes, déterminées et courageuses, elles sont souvent sur le devant de la scène : – Louise Michel, l’icône de la Commune qu’on enterre – Jeanne et Lucie Desroselles issues de riches familles mais séduites par les idées de justice et de liberté – Sorgue, activiste révolutionnaire, au soutien de toutes les luttes – Madeleine Pelletier, médecin et féministe, milite pour le droit des femmes.

L’auteur développe aussi une enquête, il y en a même deux : une sur la mystérieuse disparition de Jeanne, la fille d’un riche industriel et une autre sur l’assassinat d’un mineur à Courrières, mais elles passent au second plan par rapport à la description du contexte historique et social.

Gwenaël Bulteau fait revivre une Belle Époque bien différente de l’image qu’on en a en général : une période de modernité et d’insouciance. Ce roman montre qu’au contraire cela été une période d’âpres luttes pour le progrès social des prolétaires.

Extrait :
Le Grand Soir n’avait aucune chance d’arriver, il l’avait compris depuis longtemps. Les ouvriers s’illusionnaient d’un avenir meilleur avant de retomber dans le néant du quotidien. C’était peut-être ce dont ils avaient besoin pour survivre, une aspiration commune, ouvrir une parenthèse d’espoir même si le pouvoir la refermerait les armes à la main. Leroy ne participerait pas à la répression. Il laissa la préfecture derrière lui et pour la première fois depuis longtemps, une sensation de légèreté s’empara de lui.

Catastrophe minière de Courrières, 10 mars 1906

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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Le mystère Sammy Went – Christian White

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2018
(The Nowhere Child)
Date de publication française : 2019 (Denoël)
Traduction (anglais Australie) :

Simone Davy
Genre :
Thriller
Personnage principal :
Kimberley Leamy, enseignante

Kimberley Leamy, début trentaine, célibataire, mène une petite vie tranquille et enseigne la photographie au Tafe (Technical and further education [1]) de la ville de Northampton en Australie-Occidentale. Elle a une demi-sœur, Amy, de cinq ans plus jeune, que sa mère Carol, maintenant décédée, a eue avec le beau-père de Kim, Dean. C’est une femme tranquille qui ne craint pas la solitude et qui aime la lecture.

Alors qu’elle prenait une pause entre deux cours à la cafétéria, un inconnu se présente et lui révèle qu’il la cherche depuis longtemps, qu’elle s’appelle, en réalité, Sammy Went, et qu’elle a été enlevée vingt-huit ans auparavant dans sa famille américaine de Manson au Kentucky. Kim n’en croit pas un mot. Sur internet, elle découvre des articles de journaux qui rapportent l’événement. Ça ne prouve pas le rapport entre elle et cette Sammy Went. Dans les albums de famille que garde sa sœur, elle ne trouve aucune photo d’elle avant l’âge de deux ans. Un peu troublée, elle revoit celui qui a dit s’appeler James Finn. Il lui montre alors les résultats d’une analyse d’ADN qui associe A et B : Kim est l’échantillon B. Mais qui est l’échantillon A ?

« C’est moi. Je m’appelle Stuart Went. Je suis votre frère ».

Le doute est insupportable. Pour en avoir le cœur net, Kim s’envole vers le Kentucky. Elle devra alors affronter une famille dysfonctionnelle : la mère de Sammy est maniaco-dépressive; elle assure Kim que Sammy est morte et enterrée; le père Jack est du genre absent; la sœur Emma est chaleureuse mais alcoolique; et surtout l’Église de la Lumière Intérieure dont les membres n’hésitent pas à pratiquer des exorcismes violents. Et, en supposant qu’elle soit Sammy, comment aurait-elle pu se retrouver en Australie ? Sa mère (Carol) n’avait vraiment pas le profil d’une kidnappeuse.

Plus tard, Amy et Dean décideront de franchir l’océan. Ils la retrouveront à l’hôpital, où veillent déjà sur elle Jack et Travis. Et c’est à ce moment-là que la dernière carte sera jouée.

Pour commenter un coup inattendu et décisif aux échecs, Tartakover commente : «  Un coup de tonnerre dans un ciel serein! » C’est vraiment l’effet que White parvient à créer. Comment supporter de se faire dire à trente ans que nous ne sommes pas qui nous croyons que nous sommes ? L’odyssée qui s’ensuit est pleine de problèmes et de pièges et Kim (ou Sammy) n’est vraiment pas équipée pour y faire face. Le récit est composé pour être doublement stressant : un  chapitre raconte les difficultés éprouvées par Kim aujourd’hui (la plupart du temps, c’est elle la narratrice); le chapitre suivant nous ramène vingt-huit ans en arrière à Manson, où on assiste à la disparition de Sammy et aux recherches entreprises pour la retrouver en vain. On revient aujourd’hui et on repart en arrière. Et ainsi de suite. D’un côté comme de l’autre, les rebondissements nous déconcertent et nous enchantent.

Bref, c’est un thriller de qualité, bien écrit et astucieusement pensé. Pour un premier roman, c’est « un coup de maître ».

[1] Enseignement technique et complémentaire.

Extrait :
À ma grande surprise, le café du commissariat de police de Manson était excellent. Je m’attendais à un truc noir, fade et tiède, mais Burkhart avait rapporté d’une étincelante machine deux cappuccinos couverts de crème fouettée.
Nous nous assîmes dans la salle de repos. Je m’adossai à un distributeur automatique, et Burkhart à un tableau d’affichage couvert non pas de portraits de criminels, mais de publicités pour des restaurants, d’un calendrier de Game of Thrones et d’une affiche rouge et bleu qui conseillait : Ne laissez pas une minute de colère vous envoyer en prison pour votre vie entière.
Burkhart sortit un petit magnétophone de sa poche intérieure et le posa entre nous sur la table.
« Ça vous dérange ? s’enquit-il.
Pas du tout ».
Il appuya sur un bouton rouge et l’appareil se mit en marche.
« Je vous écoute », me dit-il.
Je lui racontai tout, depuis le début. Je lui parlai de Carol Leamy, de Dean, de ma sœur, de mon enfance. Il n’y avait pas la moindre piste là-dedans, aucune révélation susceptible de lui venir en aide, mais cela ne semblait pas le décourager. Il m’écoutait patiemment, en silence, ne prenant la parole que pour m’encourager à poursuivre ou renvoyer un policier venu se servir au distributeur.

Northampton

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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Le Grand Monde – Pierre Lemaitre

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022 – Calmann-Lévy
Genres :
Aventures, saga familiale
Personnages principaux :
Les membres de la famille Pelletier

La famille Pelletier possède une savonnerie à Beyrouth, acquise dans les années 1920  par le père Louis qui l’a fait prospérer. Louis et son épouse, Angèle, ont eu quatre enfants qui sont maintenant dispersés : le fils aîné, Jean, dit Bouboule et son épouse Geneviève se sont établis à Paris ainsi que François, qui est apprenti journaliste. Étienne est parti au Vietnam, à Saigon, pour retrouver son amour Raymond qui s’est engagé dans la Légion étrangère. La fille Hélène n’est pas encore partie de la maison familiale en mars 1948, mais elle en rêve.

L’auteur nous décrit la vie plutôt agitée des membres de la famille Pelletier durant les six mois de l’année 1948, de mars à octobre. L’action se développe essentiellement dans trois lieux : Beyrouth, Paris, Saigon. En utilisant de nombreux personnages et en répartissant l’action sur trois endroits du globe, Lemaitre construit avec beaucoup de maîtrise une intrigue consistante.

Les personnages sont finement observés, ils sont dépeints avec ironie et humour. Certains nous réservent de sacrées surprises. Louis, le père, est un homme débonnaire, très fier de sa savonnerie, il en a fait un fleuron de l’industrie libanaise – Angèle, la mère, reste dans l’ombre de son mari, mais c’est elle qui veille sur toute la famille. Elle sait prendre des initiatives quand elle le juge nécessaire – Jean, Bouboule, le fils aîné rate tout ce qu’il entreprend. Il est sous la férule de Geneviève, son impitoyable épouse qui ne manque pas une occasion de l’humilier – François est un apprenti journaliste opportuniste qui trouve rapidement sa place dans son journal, mais il lui faudra avaler quelques couleuvres dans son apprentissage – Étienne est follement amoureux de Raymond qui s’est engagé dans la Légion avant de partir faire la guerre d’Indochine. Étienne part pour Saigon, espérant retrouver son amant dont il n’a plus de nouvelles. La petite dernière, Hélène, est incontrôlable, elle a des désirs d’émancipation, mais n’a pas les moyens de les réaliser, heureusement que papa est là pour la tirer d’une mauvaise situation. Le chat Joseph, imperturbable, observe tout du haut d’un gros réfrigérateur américain.

Des détails pittoresques de l’histoire sont aussi évoqués, notamment, dans la guerre d’Indochine, le trafic des piastres qui a permis à beaucoup de gens de s’enrichir et au Viêt-minh de financer la guerre sur le dos du gouvernement français.

Malgré toutes ces qualités, je dois avouer que j’ai eu du mal à entrer dans ce roman. C’est seulement dans le dernier quart du livre que j’ai été vraiment intéressé par cette histoire, au moment où le rythme s’accélère, que les rebondissements se succèdent et que la saga familiale devient roman d’aventures. Je crois que les raisons pour lesquelles je suis souvent resté en dehors des péripéties de la famille Pelletier tiennent au fait que je n’ai ressenti aucune proximité pour les personnages. Ces derniers sont sympathiques, énervants ou pathétiques, mais jamais proches et pas vraiment attachants. Et aussi cette impression que ce roman est parfaitement maîtrisé, qu’il est très bien réalisé, mais que ça manque de profondeur, de sang, de tripes. La technique est parfaite, mais il y a un manque d’émotion et d’âme qui m’a laissé en dehors de cette histoire. J’ai avancé lentement dans la lecture de ce livre, n’arrivant pas réellement à accrocher à l’intrigue. Pendant les trois quarts du livre je me suis réellement ennuyé. Les 590 pages m’ont paru bien longues et le roman décevant par rapport aux autres ouvrages de cet auteur que j’apprécie.

La quatrième de couverture qui présente le livre m’a paru assez irritante. C’est une énumération hétéroclite d’éléments qu’on trouve dans le roman, façon inventaire à la Prévert, qui ne dit pas grand-chose sur le contenu de l’œuvre : « la famille Pelletier, trois histoires d’amour, un lanceur d’alerte, une adolescente égarée, deux processions, Bouddha et Confucius, un journaliste ambitieux, une mort tragique … » La facilité du procédé semble avoir plu à l’éditeur qui l’a reconduit dans le deuxième tome de la trilogie : Le Silence et la Colère. Le troisième volet suivra probablement la même méthode économique qui évite de devoir faire des phrases, un comble pour une œuvre littéraire.

Ce premier tome de la nouvelle trilogie de Lemaitre a été salué par la critique professionnelle, mais pour ma part je n’ai pas été emballé par ce roman, tout en reconnaissant l’excellence de la technique du conteur qu’est Pierre Lemaitre.

Extrait :
Il régnait un silence étrange. Ce n’était plus un agent des services de renseignement qui leur assenait un récit abracadabrant en les menaçant des foudres de la justice, c’était leur histoire que leur père racontait, leur origine. Chacun écoutait et voyait se dérouler un roman auquel, chez quelqu’un d’autre, ils n’auraient pas cru, avec des personnages dont ils connaissaient le physique, mais pas le rôle.

Le plus secrètement satisfait était sans doute Jean. Son père étalait aux yeux de tous une affaire honteuse, c’était son tour, ça faisait du bien d’entendre ça.

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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Le prix de l’orgueil – Anne Perry

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2020 (Death with a Double Edge)
Date de publication française : 2021 (10/18)
Traduction (anglais) :
Florence Bertrand
Genre : Enquête
Personnage principal :
Daniel Pitt, avocat

Daniel Pitt est requis pour identifier un cadavre sauvagement assassiné, parce que sa carte de visite avait été trouvée dans la poche du manteau de la victime : il s’agit de Jonah Drake, avocat principal chez fford Croft et Gibson, un collègue de Daniel, mais qui a trente ans d’expérience. Il est parvenu il y a quelque temps à faire innocenter le jeune Evan Faber, fils du millionnaire Erasmus Faber, magnat de la construction navale, qui était accusé d’avoir assassiné Marie Wesley, une courtisane dont il était l’amant. Daniel, assisté de son collègue et ami Toby Kitteridge, se livre à une sorte d’enquête pour savoir ce que le très distingué Drake faisait en pleine nuit dans cet endroit malfamé du Mile End. La réputation du bureau d’avocat est en jeu, et on ne peut pas trop compter sur le patron Marcus fford Croft, qui semble sur son déclin, manque de concentration et manifeste quelques trous de mémoire. La police ne semble plus intéressée à dénicher le véritable coupable et l’enquête doit demeurer discrète afin d’éviter que le bureau ne soit compromis. Puis, le jeune Faber est à son tour assassiné et son cadavre est découvert dans le même quartier. On s’est moins acharné sur son corps mais la même arme semble avoir servi. Survient un troisième meurtre.

Jusque là, Thomas Pitt, père de Daniel et directeur de la Special Branch, ne s’est pas trop impliqué, mais l’enlèvement de Charlotte, son épouse, lui force un peu la main. Daniel et Kitteridge tentent de déchiffrer les notes de Drake, pendant que Thomas Pitt puise dans ses informations et utilise quelques contacts. On parvient au même résultat. On part à la recherche de Charlotte et du criminel qui se cache derrière tous ces meurtres.

Au départ, le problème est intéressant parce que mystérieux : qu’est-ce que Drake allait faire dans ce quartier malfamé ? Pourquoi s’est-on acharné sur lui ? Est-ce que Marcus est impliqué ? Y a-t-il un rapport avec le procès qu’il a gagné en innocentant Evan Faber ? Et pourquoi Faber est-il tué à son tour ? Mais, pendant plus de la moitié du roman, Daniel n’arrête pas de se poser les mêmes questions sans qu’on avance d’un pas. Et lui-même est plus hésitant que jamais. Ça devient franchement irritant, d’autant plus que les personnages sont peu nombreux; donc, on retrouve toujours les mêmes qui se posent toujours les mêmes questions.  On s’ennuie du « vrai » Pitt, de Monk et même d’Elena. Sauf que, à partir du chapitre 11, où Charlotte se fait enlever et où William décide d’intervenir, il devient difficile de lâcher le roman. Le rythme s’accélère, le suspense s’intensifie, l’affrontement décisif se prépare et les comptes se règlent. On vient de retrouver l’indestructible Anne Perry, alors que les 200 premières pages pouvaient laisser croire que c’était foutu. Ce qui est certain, c’est que Daniel a encore besoin de son père !

Extrait :
Il faisait encore grand jour quand Thomas Pitt arriva chez lui, bien qu’il fût six heures du soir. Le lendemain serait le premier jour de juin.
Il remonta la courte allée qui menait à la porte d’entrée, remarquant à peine les fleurs épanouies. Les jaunes et bleus du printemps avaient cédé la place aux couleurs éclatantes des freesias.
Il glissa sa clé dans la serrure et ouvrit la porte.
Charlotte l’entendrait et viendrait l’accueillir, comme toujours. Peut-être était-ce cela que « rentrer à la maison » voulait dire. Non pas le retour dans le logis familier, mais Charlotte qui venait à sa rencontre.
Hou, hou ! appela-t-il.
Un silence lui répondit, suivi de bruits de pas dans l’entrée. Des pas rapides, différents de ceux de Charlotte. Minnie Maude accourait, la consternation sur ses traits.
C’est vous, monsieur… s’écria-t-elle.
Qu’y a-t-il ? demanda Pitt, saisi d’une crainte soudaine, absurde. Il est arrivé quelque chose ?
La servante était agitée, visiblement inquiète.
Je ne sais pas, monsieur. Lady Pitt est allée se promener ce matin et je ne l’ai pas vue depuis. Cela m’ennuie d’appeler Mrs Emily pour lui demander si elle est là-bas. Ce n’est pas à moi de le faire, mais ce n’est pas dans les habitudes de Madame de sortir sans nous prévenir, la cuisinière et moi…
Elle se tut, redoutant d’avoir outrepassé son rôle.
Ce matin ? répéta-t-il, perplexe. Et elle ne vous a pas dit à quelle heure elle reviendrait?
Non, monsieur…
Elle ne vous a rien dit ?
Minnie Maude secoua la tête.
Non, monsieur…

Le Mile End au début du XXe siècle

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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Le lac de nulle part – Pete Fromm

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022
(Lac Nowhere)
Date de publication française : 2022 – Gallmeister
Traduction (américain) :
Juliane Nivelt
Genre :
Aventures
Personnages principaux :
Trig et Al, frère et sœur jumeaux

Après deux ans sans contact avec ses enfants, Bill leur propose une nouvelle aventure, comme autrefois, quand il n’était pas encore séparé de son épouse, et qu’ils étaient alors quatre. Ses enfants sont des jumeaux, prénommés Trig, comme trigonométrie, pour le garçon et Al, comme algèbre, pour la fille. Bill était professeur de mathématiques. Trig vient de perdre son emploi, il vit pour l’instant dans sa voiture. Al est installée à Denver où elle multiplie les partenaires sexuels. Les jumeaux acceptent la proposition de leur père, surtout pour se retrouver ensemble tous les deux. Ils vont passer un mois à naviguer en canoë sur les lacs du parc provincial Quetico au Canada. Ce qui inquiète un peu les jumeaux c’est qu’on est fin octobre, c’est un peu tard pour faire du canoë. Bill balaie cette réserve d’un : « Si tu attends un beau jour, tu attends toujours ». Malgré quelques incidents de dernière minute concernant les bagages, les voilà repartis à l’aventure, comme au bon vieux temps.

L’auteur met en scène une expédition à trois, un huis clos à ciel ouvert. Si les jumeaux s’entendent parfaitement, on s’aperçoit rapidement que quelque chose ne colle pas avec le père. D’abord ils le trouvent bizarre : alors que c’est un aventurier confirmé, qu’en général il se prépare méticuleusement ne laissant rien au hasard, cette fois il semble perdu et absent et pas vraiment prêt pour un tel périple. Les jeunes n’arrêtent pas de s’interroger sur le but et les raisons de ce voyage qui leur semble précipité. Quand ils questionnent leur père, celui-ci élude, noie le poisson. En plus de ne pas connaître le trajet prévu, ils n’ont pas de cartes. Le père se borne à affirmer qu’ils vont faire une grande boucle. La méfiance s’installe entre le père et ses enfants. Elle devient même de l’hostilité, surtout entre Bill et sa fille Al. Entre le frère et la sœur, c’est l’occasion de se souvenir de leur enfance, mais plus étonnant, de découvrir des évènements douloureux que l’une a vécus et que l’autre ignorait.

Les premiers jours se passent bien, il fait beau. Mais quand les températures commencent à baisser, que le brouillard, le vent, la pluie et le froid s’installent, les conditions de navigations deviennent difficiles. Elles empirent au fil des jours quand arrivent la neige et la glace. La gentille expédition récréative se transforme en opération de survie.

L’auteur montre un grand talent pour nous dépeindre ce périple et son évolution. Nul doute qu’il a lui-même pratiqué ce genre de randonnée aquatique, tant ses descriptions sont précises et détaillées. Il nous plonge en pleine nature, sur les lacs, dans les forêts. Il nous fait ressentir pleinement l’humidité, le froid, les abris précaires, le réconfort du feu et la fragilité humaine quand les éléments deviennent hostiles.

Dans ce roman d’aventures très bien réalisé, Pete Fromm introduit dans sa partie finale le mystère et le doute, ingrédients du roman policier classique. La qualité de l’écriture (et de la traduction) ainsi qu’un humour subtil mais bien présent sont les autres qualités de ce récit. Le lac de nulle part est un livre hautement recommandable.

Extrait :
Je me fraye un passage jusqu’au lac, retire mes moufles afin de me livrer à mes ablutions matinales, contemple la surface sombre et statique. Dieu merci, des volutes de brume flottent au-dessus de l’eau. Le lac est trop vaste pour geler en une nuit. De la glace borde le rivage, craquelle sous ma chaussure, une bonne nouvelle à laquelle je me raccroche quand je regagne le camp, arrachant des aiguilles et des branches au passage, du bois d’allumage. Soudain, je tombe sur le jackpot, un bouleau mort encore sur pied, gris et dépourvu d’écorce, ses branches n’attendent que moi. Je rassemble de quoi construire un feu, réchauffer la froidure cosmique, éclairer la pénombre d’une petite lueur. Bientôt, il y aura la gamelle, le café. Mais pour l’instant, seule la perspective de cette petite lueur me retient à la planète.

Parc provincial Quetico, Ontario, Canada

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)
Coup de cœur

 

 

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Dracula fait maigre – Stuart Kaminsky

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 1980 (Never Cross a Vampire)
Date de publication française : 2000 (10/18)
Traduction (américain) :
Simone Hilling
Genre : Enquête
Personnage principal :
Toby Peters, détective privé

Formé en journalisme, lettres et cinéma, Kaminsky est marqué par la nostalgie de l’âge d’or du cinéma hollywoodien. C’est dans ce milieu que travaille son détective privé Toby Peters, pour lequel il a écrit 24 romans. D’où sa tendance à intégrer dans ses histoires des personnages que le cinéma ou la littérature des années 40 et 50 nous ont fait connaître. Dans ce cas-ci, il sera question de Bela Lugosi, l’incarnation paradigmatique du vampire, et de William Faulkner, l’auteur de Sanctuaire et de Le bruit et la fureur.

Nous sommes en 1942 à Los Angeles. La guerre rend difficile la vie des Américains qui bataillent ferme contre les Japonais. C’est particulièrement vrai pour Toby Peters, détective privé fauché et mal foutu, qui n’hésite pas à accepter deux affaires en même temps : d’abord, tenter de démasquer le harceleur qui envoie des lettres de menaces (et même une chauve-souris empaillée) à Bela Lugosi; puis, essayer de disculper William Faulkner d’une accusation de meurtre.

Les menaces contre Lugosi proviennent apparemment d’un des membres des Chevaliers noirs de Transylvanie, un groupe de jeunes vampires en herbe, qui se rencontrent de temps en temps pour se raconter des histoires, probablement noires; Peters enquêtera sur chacun d’entre eux. L’accusation contre Faulkner semble mal partie pour lui, parce que l’épouse du mort et le mort lui-même le désignent comme l’assassin. Peters devra mettre plus d’énergie sur cette affaire compliquée où il risquera sa vie plus d’une fois. Croyant avoir découvert le véritable assassin de l’agent littéraire Jacques Shatzkin, Peters le retrouve victime d’un pieu enfoncé au milieu de son corps. Pendant un instant, on a l’impression que les deux enquêtes se recouperont. Élucidant le mystère Faulkner et écartant la supercherie du pieu injustement soupçonné, Peters désigne la personne responsable du meurtre de Shatzkin et confond celui qui cherchait à effrayer Lugosi.

Heureux, Faulkner et Lugosi promettent à Peters de lui régler ses honoraires plus tard…

D’abord, on a bien affaire à un Bela Lugosi vieillissant et non à Dracula; ce n’est pas un roman d’horreur. Au contraire, il s’agit même d’un roman plutôt léger, assaisonné de quelques pointes d’humour, dans un style qui rappelle, en un sens, les romans hard boiled de l’après-dépression, de Chandler et de Dashiell Hammett, par exemple, avec qui Kaminsky était d’ailleurs ami. Même genre, en effet, de détective magané, fauché, assez intelligent, malchanceux avec les femmes, mais honnête et tenace. Le contenu qu’on pourrait considérer comme violent est atténué par le comportement décontracté du détective dont la victoire finale n’est jamais mise en doute. Pour les amateurs de littérature noire et de films policiers hollywoodiens, c’est certain que la fréquentation de légendes comme Bela Lugosi et William Faulkner est un plus véritable. C’est d’ailleurs devenu la marque de commerce de Kaminsky que de nous faire connaître de l’intérieur (pourrait-on dire) les grandes vedettes de Hollywood.

Kaminsky parvient à éviter la monotonie des interrogatoires successifs en introduisant beaucoup d’action et en insistant sur la vie personnelle du détective, attachant du fait qu’il est un peu comme tout le monde, vulnérable mais résilient. Un certain humour, gris plutôt que noir, fait aussi partie des armes de l’auteur, et tient un peu le lecteur à distance. D’où la légèreté de l’ensemble, plutôt que le choc émotif. En résumé : un roman plaisant.

Extrait :
– Je comprends vos sentiments, dis-je en grattant le bout de mon crayon pour dégager un peu de mine.
Malheureusement, continua Faulkner d’une voix douce, je n’ai pas besoin de sympathie. J’ai besoin de l’aide d’un professionnel. Mon inclination me porte simplement à me mettre en colère et à demander qu’on me libère, mais on dirait que quelqu’un a veillé à ce que ce soit impossible.
Vous voulez dire qu’on vous a piégé ? dis-je pour rester dans la conversation.
Considérez l’alternative, reprit-il. Ou bien c’est ça, ou bien je suis devenu fou, ce qui, certes, est possible, étant donné l’état du monde, mais je doute que ma folie aille se manifester en attaquant un agent littéraire. Il serait beaucoup plus vraisemblable que j’attaque un éditeur.

Bela Lugosi

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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Skaer – Philippe Setbon

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022 – Éditions du Caïman
Genre :
Thriller
Personnage principal :
Skaer, ancien militaire

Skaer avec sa stature puissante et compacte, sa barbe broussailleuse et ses multiples cicatrices, impressionne et inspire la crainte. Il vit à l’écart dans un petit village basque. Il ne fréquente personne, il n’a ni télévision, ni téléphone, ni ordinateur. Il vit comme un sauvage, en autarcie. Un jour, son bel isolement est rompu quand une jeune femme et sa fille s’installent dans la maison la plus proche de sa cabane. Il est contrarié, mais il l’est encore plus quand débarque un homme, le mari, qui ne tarde pas à brutaliser la mère sous les yeux de sa fille. Skaer n’aime pas ça, il décide de régler ce problème à sa façon. Cela l’amènera à sympathiser avec ses nouvelles voisines, surtout avec Celestia, la fille de 10 ans, qui n’a pas la langue dans sa poche, ni ses yeux. Pour Skaer, la vie en ermite est finie.

Dès le début du roman, on se pose beaucoup de questions sur le personnage de Skaer. L’homme entretient une forme physique au plus haut niveau, n’a aucun contact avec les gens, essaie de ne pas se faire remarquer et est en permanence aux aguets. L’auteur dévoile ensuite que cet homme a subi une formation très dure, dans une unité militaire spéciale qui en a fait une redoutable machine à tuer. Reste des questions : Pourquoi se cache-t-il dans ce coin perdu ? Pourquoi cette obsession de rester invisible ? Bien sûr les mystères entourant Skaer seront levés petit à petit.

L’homme a appartenu à une armée de l’ombre, sans identité officielle, sans passé, sans existence. Mais avant de disparaître des radars, Skaer avait une histoire. Il avait même une presque sœur, Justine, avec qui il a été élevé dans un foyer d’accueil. Les deux gamins s’étaient mutuellement aidés, ils avaient grandi ensemble. Justine était le seul être humain que Skaer ait jamais aimé. Justine a eu un fils qui a été enlevé et tué comme quatre autres enfants de cette région. Finalement, Skaer ne s’est peut-être pas installé dans cet endroit tout à fait par hasard.

Outre le terrible Skaer, nous trouvons d’autres personnages pittoresques : le capitaine de police Paul Bourgonges, un vieux garçon dégingandé, qui s’occupe de son père atteint Alzheimer. Burgondes n’est pas satisfait de sa vie et il n’a pas confiance en lui. En outre il culpabilise de n’avoir pas pu arrêter l’assassin d’enfants qui a fait cinq victimes. Il formera une improbable équipe avec Skaer sur une affaire qui leur tient à cœur à tous les deux. Contrairement au policier, Skaer ne s’embarrasse pas de procédures et du respect des lois, ses méthodes sont violentes, mais très efficaces. La petite Celestia n’a que 10 ans, mais elle est drôlement futée, elle a déjà une maturité étonnante, un grand courage et un sens de l’observation aiguisé.

Dans une intrigue bien construite, Philippe Setbon campe des personnages impressionnants par leur force ou attachants par leur fragilité dans ce remarquable thriller plein de mystères, d’action et de suspense.

Extrait :
À chaque question, le visage de Skaer lui apparaissait. Ce masque raturé de griffures, enseveli sous les cheveux et les poils, ces yeux d’hypnotiseur. Et cela la rassurait. Jamais Skaer ne permettrait qu’on lui fasse du mal. N’avait-il pas sauvé Maman de la sauvagerie de son mari… Car Celestia en avait toujours été persuadée : Skaer avait bel et bien tué son père. Pour les protéger elle et Maman. C’était sûr et certain. Il avait vu par la fenêtre ce que Wim faisait subir à sa propre famille et il avait décidé de le punir.

Campagne du Pays Basque

Campagne du Pays Basque

Niveau de satisfaction :
4.3 out of 5 stars (4,3 / 5)

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La maison sans souvenirs – Donato Carrisi

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2021 (La Casa Senza Ricordi)
Date de publication française : 2022 (Calmann-Lévy)
Traduction (italien) :
Anaïs Bouteille-Bokobza
Genre :
Noir
Personnage principal :
Pietro Gerber, hypnotiseur

J’ai déjà lu Malefico et Tenebra Roma, que j’appellerais des polars d’ambiance aux problèmes compliqués et aux enquêtes peu convaincantes. Ce qu’il nous reste, par exemple, de Tenebra Roma, c’est la ville de Rome à la fois incendiée et inondée. Carrisi ne nous gagne pas par la subtilité de ses enquêteurs ni par la sympathie qu’on éprouverait pour ses personnages, trop nombreux pour qu’on s’y attache. Il compte surtout sur l’atmosphère trouble qui nous suit même une fois qu’on a terminé le roman.

C’est certainement encore le cas cette fois-ci. Une mère et son fils disparaissent dans les bois. On retrouve leur voiture, mais impossible de savoir où ils sont passés. Huit mois après, le jeune Nico (12 ans) est retrouvé par une éleveuse de chevaux. Elle le ramène chez elle; le jeune ne parle pas et semble complètement perdu. On le confiera au psychologue pour enfants et hypnotiseur Pietro Gerber, dit « l’endormeur d’enfants ». Alors que Nico semble avoir avoué le meurtre de sa mère, Pietro n’en croit pas un mot, et va s’efforcer de comprendre ce qui s’est vraiment passé. D’intuitions en convictions, il finit par conclure que l’ado est sous l’emprise d’un autre hypnotiseur d’enfants, qui parle en lui. Et qui finit par contaminer tout l’entourage de Gerber sans qu’on sache exactement pourquoi et encore moins comment. Gerber lui-même semble avoir été piégé par le grand affabulateur, de sorte que ses certitudes fondent en même temps que notre compréhension.

C’est ici que les appréciations des lecteurs se divisent en deux groupes : ceux et celles que l’irrationalité stimule en auront pour leur argent. Ceux et celles qui aiment bien les mystères dans la mesure où on finit par les éclaircir resteront sur leur faim.

Extrait :
Avec qui avait-il parlé au téléphone, pendant tout ce temps ? La question le taraudait, mais la réponse était aussi simple que la plus simple des ruses. Dans son esprit, la voix de l’affabulateur était devenue celle de Silvia. Évidemment.
En arrivant chez lui, Gerber n’avait même pas retiré son imperméable. Il s’était assis à sa place habituelle sur le canapé, dans le noir, devant le téléviseur éteint.
Son portable à la main.
Après avoir vérifié une dizaine de fois le numéro de son ex-femme dans son répertoire, il avait dû se résigner à l’évidence.
Ce n’était pas le bon.
Quand l’avait-il substitué à l’autre ? Pietro ne doutait pas qu’il l’avait fait lui-même. Sa volonté avait été contournée, enjambée, éludée.
L’endormeur d’enfants avait été endormi.

Valle dell’Inferno

Niveau de satisfaction :
3 out of 5 stars (3 / 5)

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La chance d’une vie – John Grisham

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2021 (Sooley)
Date de publication française : 2022 – Éditions Jean-Claude Lattès
Traduction (américain) :
Carole Delporte
Genres :
roman social, sport
Personnage principal :
Samuel Sooleymon (Sooley) jeune Sud-Soudanais, basketteur

Le Soudan du Sud est ravagé par des guerres ethniques, des gangs attaquent, dépouillent et violent. Dans les moments d’accalmie, le jeune Samuel Sooleymon se livre à sa passion : le basket. Le jeune homme est repéré par un recruteur qui lui propose de jouer dans un tournoi qui aura lieu aux États-Unis sous l’œil des recruteurs universitaires. Tandis que Samuel, avec l’appui de son mentor, intègre l’équipe universitaire des Eagles de Durham, son village du Soudan est attaqué par des pillards. Son père est tué, sa sœur enlevée, sa mère et ses deux frères réussissent à s’enfuir, ils finiront dans un camp de réfugiés en Ouganda. Pendant ce temps, Samuel commence une brillante carrière de basketteur universitaire. Il devient même une célébrité sous le surnom de Sooley. Il est sur le point de passer professionnel et de jouer dans la fameuse National Basketball Association (NBA). Pour lui, c’est la popularité et un fabuleux contrat qui va le rendre riche. N’ayant connu jusqu’alors que la pauvreté, Sooley à 18 ans à peine, se voit offrir la chance de sa vie, mais est-il prêt pour la gloire et la fortune ?

John Grisham nous dépeint deux mondes aux antipodes l’un de l’autre : d’une part les camps de réfugiés où se retrouvent des populations affamées et en haillons et d’autre part le monde du sport universitaire aux États-Unis où des étudiants privilégiés bénéficient de bourses pour suivre les études tout en pratiquant le sport, ce qui pour les plus doués les mènera à une carrière professionnelle lucrative.

La partie consacrée au Soudan du Sud et au camp de réfugiés de Rhino en Ouganda est explicite : la misère et le dénuement sont clairement montrés et rendus palpables par un texte clair et précis. Dans la partie États-Unis, il y a la description de nombreux matchs de basket, l’auteur utilise alors de nombreux termes techniques dont le sens paraîtra obscur à tous ceux qui ne connaissent pas ce sport : alley-oop, swish, lay-up, dunk … Carole Delporte, la traductrice, probablement pas aussi passionnée de basket que l’auteur, a dû en baver pour retranscrire en français le récit des matchs basket. Parmi les particularités du sport universitaire américain, il y a la draft qui s’apparente à une gigantesque foire aux bestiaux où les équipes professionnelles font leur marché parmi les meilleurs jeunes joueurs des universités. Bref, il vaut mieux être américain et fan de basket pour pleinement apprécier.

Malgré la misère et la pauvreté qui règne au Soudan, Grisham nous brosse un monde assez lisse et plein de bons sentiments : les humanitaires sont dévoués et efficaces, les infirmières sont compréhensives, les coachs sont tous humains et se préoccupent sincèrement du bien-être et de la réussite des joueurs, Sooley est très bien traité et considéré comme l’enfant adoptif d’une famille d’accueil généreuse. Même les policiers sont aimables avec les noirs ! Mais, dans cette société bienveillante, le danger est malgré tout présent, il est d’une tout autre nature que celle que connaissait jusqu’alors Sooley.

John Grisham a écrit de nombreux livres, classés dans des catégories variées : romans historiques, judiciaires, sud rural des États-Unis, jeunesse. Ce n’est pas la première fois qu’il aborde le sport dans ses romans : Le dernier match et La Revanche traitaient du football américain, Calico Joe du baseball et dans ce dernier, du basket.

La chance d’une vie tout en étant captivant peut aussi être ressenti rébarbatif pour les non-sportifs ou ceux qui ne s’intéressent pas et ne comprennent rien au basketball.

Extrait :
Il s’empara d’un maillot, le modèle qu’il avait montré à l’équipe en avril.
— Vous l’avez déjà vu. C’est un simple maillot gris avec un short assorti. Pas de logo. Pas de nom dans le dos. Rien qui dise « Regardez-moi ». Nous enfilerons ces tenues simples pour ne pas oublier les origines humbles de notre peuple. Elles nous rappelleront constamment d’où nous venons. Et lorsque nous nous distinguerons sur le terrain, et que l’on nous demandera pourquoi nous portons des vêtements aussi communs, nous leur répondrons fièrement que nous sommes sud-soudanais. Notre pays est jeune et pauvre, mais nous en ferons une belle et grande nation.

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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